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L’EXPOSE SCHEMATIQUE DES CLAUSES
(extrait de l’exposé littéraire des clauses)
Il s’agit d’un repérage topologique, dans une optique informative, des différents ensembles concevables à partir des clauses littéraires.
Chaque ensemble est défini par deux figures, la première, composée d’un ou de plusieurs carrés divisés en neuf parties égales par trois colonnes verticales et trois colonnes horizontales, est appelée » schéma programme « , la seconde, appelée » figure d’échelle » est un rectangle posé sur sa base et divisé en quatre carrés égaux.
Le schéma programme rend compte de la composition de l’ensemble plastique envisagé en renseignant sur la nature et l’emplacement des formes.
Chaque carré du schéma programme (trait gras) figure une ouverture de la, ou des fenêtre(s). Les formes sont figurées par des pastilles de la couleur de la forme envisagée (1) qui, selon qu’elles se trouvent dans les colonnes verticales 1, 2 ou 3, indiquent une forme de nature 1, 2 ou 3. L’emplacement des pastilles dans les colonnes horizontales 1, 2 ou 3 indique la position de la forme par rapport au fond : dans la colonne horizontale 1, la forme est appliquée sur le fond du tableau, dans la colonne horizontale 2, elle se trouve, par rapport au fond, à une distance de celui-ci égale à l’épaisseur d’une forme, dans la colonne horizontale 3, à une distance du fond égale à l’épaisseur de deux formes.
La figure d’échelle indique par une pastille, dans la partie 1, 2, 3 ou 4, que l’ensemble est réalisé dans l’échelle 1, 2, 3 ou 4. L’échelle d’un ensemble est fonction des dimensions de la (ou des) ouverture(s) de la (ou des) fenêtre(s) derrière laquelle (ou lesquelles) les formes sont disposées.
Les dessins 1 et 2, indiquent le sens de la lecture des deux figures.
Jean-Pierre Maury -1969
Remarque : en 1970-71, lors de la mise en œuvre de la troisième programmation, dite « à la flèche blanche », est apparu l’élément intitulé « contreforme », constitué par le négatif de la forme. Dans les schémas de programmation, la nature de cet élément est rendue visible par le placement des lettres « c » et « f » sous la pastille de couleur correspondant à la forme.
(voir les 2 illustrations en couleur).
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L’EXPRESSION INFORMATIVE
INTRODUCTION A LA METHODE – 1971
Le langage de notre époque est de plus en plus informatif et de moins en moins expressif ; on entend comme type de phrase expressive, par exemple : « Cette obscure clarté qui tombe des étoiles », mais « la marquise sortit à cinq heures » est une phrase strictement informative. Cette évolution se retrouve dans d’autres domaines, par exemple dans l’action politique ou planification et prospective tendent à remplacer le » j’agis d’abord, je pense ensuite « . L’expression plastique suit selon moi la même évolution. A la dualité information-expression en correspond une autre : objectivité-subjectivité. L’objectivité n’étant au mieux que la conscience de la réalité objective de la subjectivité en est donc indissociable ; mon travail est d’en accroître l’importance dans le domaine plastique d’où la subjectivité est donc inexpugnable. Celle-ci se retrouve au niveau du choix premier, la décision de faire, et au niveau du choix des clauses (1). L’objectivité est au niveau de l’observance de la loi que composent les clauses. Cette loi est la programmation, elle est le pôle informatif de ma démarche, ce pour autant que je ne m’en écarte pas. Loin de donner un sens à mon œuvre, elle donne une œuvre à mon sens.
La programmation est une œuvre informative qui se disperse, éclate, sous forme d’ensembles plastiques fonctionnels à plus haut niveau expressif qui en fin de compte l’illustrent. Ce qui apparaît au premier regard ce sont les structures géométriques, mais une lecture moins hâtive laisse entrevoir que la finalité actuelle de mon travail est d’ordre méthodologique et non d’ordre esthétique : j’entends par-là que la méthode, et surtout la prise de conscience de son existence, parallèlement à la nécessité de réaliser les ensembles plastiques fonctionnels, prime sur le choix contingent de ce qui n’est qu’un moyen : la forme géométrique.
Que la fin du travail ne soit pas d’ordre esthétique n’exclut nullement qu’une source du plaisir éventuel puisse l’être. En effet, la compréhension synthétique d’un de mes » tableaux » peut être intuitive, de pure adhésion esthétique, car ce que je propose à ce niveau c’est un ensemble plastique fonctionnel à vocation ornementale expressive, mais la compréhension analytique (2), le déchiffrage est une lecture plus ardue, à mes yeux privilégiée, car, par elle l’œuvre globale est dans son principe entrevue, reconnue même, ce par le biais d’une seule de ses illustrations.
Jean-Pierre Maury – 1971
(1) Je considère comme clauses de programmation : les formes et les couleurs choisies, les formats adoptés, les matériaux employés et toutes les dispositions particulières quant à ces éléments et alors relation. Les clauses sont exposées littérairement et schématiquement dans chaque programme.
(2) La mise en page fragmentée et simultanée des formes (derrière les diverses ouvertures des » fenêtres ») incite intentionnellement à une lecture analytique : je tiens néanmoins à concevoir des codes très simples par souci de lisibilité
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PEINTURE SIMULÉE – 1976
Ce texte fait suite à celui intitulé » L’expression informative – Introduction à la Méthode » qui fonctionnait dans le cadre du travail entrepris comme un » comment » Ce présent texte veut être le « pourquoi » de ce » comment » quand le piège se referme sur qui aurait imprudemment aimé un langage pour ce qu’il n’est pas.
Mettre en garde contre l’expression informative, celle des lois, des règles, des normes et des fiches, ce langage du » on » et d’une idée de l’objectivité substitué à la diversité des langages du » je « , de la poésie, de l’utopie et du rêve, mettre en garde donc contre ce formidable discours de l’idéologie dominante, de l’oppression et de la répression, est le propos du travail que j’ai entrepris depuis 1968.
Une dénonciation directe, accompagnée de l’exposé symptomatologique du fait, aurait pu en être le moyen, mais ce n’aurait été qu’un discours de plus pour une cause dont je serais ainsi devenu le militant avéré. De ce rôle tout m’écartait, car je me méfie des vérités ; aussi à m’engager je préférerai témoigner.
J’optai donc pour une méthode » dramatique » de mise en scène du langage considéré reposant sur sa seule action reproduite sans commentaire ni jugement, la simulation remplaçant la description, l’énonciation l’analyse, tandis que l’ironie prenait la plus grande part.
Les illustrations plastiques qui résultèrent de cette entreprise furent à l’image du langage du système pris pour modèle : elles pouvaient séduire ! Pourtant ce n’était pas un hasard si elle ne pouvait s’épanouir que derrière des grilles. Le piège était tendu … en même temps l’alerte était donnée.
Le langage de la loi, de l’ordre et du rendement était désamorcé sur la scène du jeu ou un simulateur ambigu l’avait amené pour y être l’acteur de sa propre parodie ; de danger, ce langage n’en était plus que le signal : attention ! un langage peut toujours en cacher un autre …
Jean-Pierre Maury – 1976
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AIDE-MÈMOIRE INFORMEL – 1978
Divers points contenus dans le présent aide-mémoire feront l’objet ultérieurement d’un développement détaillé.
Le travail actuel est fondé sur l’utilisation du vocabulaire plastique personnel acquis au cours de 10 ans de pratique de la peinture. Il représente une importante mutation à l’intérieur de l’approche, de l’exercice et de la relation à la joie de peindre.
En effet, après avoir mis en scène, pour la dénoncer, l’objectivité du langage des lois des règles, des normes et des fiches dans un processus de simulation qui n’était pas sans contrainte – contraintes fonctionnelles de fidélité aux programmes et contraintes personnelles d’exercice dans des conditions de travail volontairement choisies comme dures – j’ai brouillé mes cartes/fiches et introduit par le jeu la diversité des langages du » je « .
Par des tableaux non programmés, fondés sur un canevas simple de trois éléments livrés à la fantaisie de ma manipulation, de témoin que j’étais jusqu’ici, je suis devenu acteur et je laisse désormais ma propre voix parler sur le versant du plaisir.
Le travail est fondé sur la reconstruction d’un exercice de manipulation (investigation corporelle avant d’être plastique, investigation fondée sur la pratique et le plaisir découvert de l’exercice manuel au cours des années passées à la lente exécution de tableaux qui demandait une habilité des mains que je ne possédais pas) ; l’exercice de manipulation envisagé est du type de celui que peut pratiquer un prestidigitateur effectuant un tour de cartes, j’ai pour cette pratique recensé deux types de gestes (manipulation) : la manipulation linéaire, d’une part, la manipulation circulaire, d’autre part, ces appellations me sont propres ils rendent compte de ma préoccupation d’extraire de l’expérimentation, par sa définition même, un début de représentation plastique. La représentation métaphorique, dans un ensemble plastique, de l’expérimentation manuelle, vue le plus souvent comme réussie, ne doit pas négliger une phase importante de l’aventure du geste, celle ou le geste se cherche, s’égare et abouti à l’échec. Ceci constitue le troisième type de manipulations recensées, la manipulation ratée.
Ce qui, dans l’exercice pictural, représente les cartes évoquées plus haut, ou tout autre objet de manipulation, est un système de grilles colorées fondées sur le partage par une diagonale plus ou moins large d’un rectangle ou d’un carré juxtaposés ou non à d’autres rectangles ou carrés. Quand la largeur de la diagonale est égale à la longueur de l’autre diagonale envisageable, la surface (carré ou rectangle) se trouve totalement occultée, c’est le cas de la première des trois grilles qui sert de fond. Sur ce fond, les deux autres grilles, ajourées elles par des ouvertures triangulaires, égales entre elles à l’intérieur d’une même grille, mais différentes d’une grille à l’autre se superposent.
Pour ces nouveaux travaux, j’ai renoncé aux formes emblématiques des tableaux précédents, pour mon jeu (et un nouveau départ) la simplicité de la forme régulière de la géométrie euclidienne me suffisait, il ne me fallait en fait qu’un support pour ma retranscription.
L’une des caractéristiques essentielles de l’aspect formel des nouveaux travaux repose sur la modification d’essence de lecture des ensembles plastiques récents ; auparavant, de façon générale, la lecture se faisait de haut en bas et de gauche à droite, elle s’effectue maintenant dans le sens ou dans le sens inverse de la marche des aiguilles d’une montre.
D’autres caractéristiques essentielles des nouveau travaux sont à souligner quant aux couleurs de la façon de poser celle-ci : ayant à entreprendre une série nouvelle de travaux qui était aussi une aventure nouvelle, je me retrouvai en situation de débutant devant la nécessité du choix, devenu acteur sur le versant du plaisir, il me fallait exclure la pratique réellement pénible et contraignante de la peinture au pistolet avec des matériaux industriels, ceux-ci avaient été choisis dès 1968 en raison de la neutralité dont, employés purs, ils témoignaient, étant ainsi en phase avec l’image du monde, de l’homme et du langage que je souhaitais donner, le sens de mon travail étant changé, je voulu que le moins de choses puisse freiner mon plaisir, je choisis donc la peinture acrylique dont l’emploi est des plus aisés. J’ai ainsi pu découvrir une très grande joie dans l’action physique de peindre, pour la première fois depuis dix ans je peignais sans masque ! (j’entends en même temps par là le masque à gaz et le masque qui dissimule le simulateur) ma joie était pareille à celle qu’éprouvent, j’imagine, les gens qui, étant sortis d’un pays totalitaire, peuvent parler sans crainte.
Le choix du matériau étant fait, il me fallait choisir une marque et, dans le nuancier de celle-ci, des couleurs, me retrouvant, comme je l’ai dit plus haut, en situation de débutant, je me suis tenu leur raisonnement qu’au sein des sociétés fabricantes de peinture des spécialistes très avisés du marketing ne manquaient pas de proposer, dans l’échantillonnage des produits présentés à la vente, des boîtes de toute faites contenant cinq ou six tubes de couleur spécialement choisies pour le débutant et telles qu’elles soient suffisamment attractives, séduisantes et convaincantes pour que les candidats peintre soit, en raison au moins du résultat coloré obtenu, encouragé à persévérer. En toute logique, et en toute ironie, j’en conviens, je décidai de faire confiance aux » marcheto-technico-commerciaux » d’une société sise à New York qui propose aux vocations qui s’éveillent six couleurs porteuses de tous les espoirs
Il me fallait aussi une façon de poser cette couleur, j’ai dit plus haut pourquoi j’avais choisi le pistolet et pourquoi j’y avais renoncé, il m’importait de trouver la façon la plus voluptueuse, mais aussi la plus efficace par rapport à mes objectifs ; après divers essais je décidai de poser la peinture à la brosse et de la retravailler avec des rouleaux de nylon très mouillés ensuite, de cette façon un très grand nombre de petites bulles se créent sur la surface peinte, lors du séchage ces bulle crèvent en laissant les traces de leurs contours en un simple relief. L’opération est répétée jusqu’à saturation du ton.
La systématique des combinaisons de couleurs est celle des ensembles réalisés dans le cadre des six programmes antérieurs.
L’aspect ludique de ces nouveaux travaux est ce qui y est essentiel, mon sentiment et qu’ils reflètent ma joie et mon plaisir à peindre, pour autant que qui se trouve en face d’eux veuille bien aller à la rencontre de cette joie et de ce plaisir, c’est dans le temps que s’établissent la complicité et la compréhension, avec les gens, comme avec les œuvres. Un effort est à faire pour pénétrer les règles d’un jeu qui n’est qu’accessoirement esthétique, et c’est en tant que, pour approcher une clé, un appel à l’intelligence doit être fait, et non à la culture, à l’histoire ou au bon goût, que ces tableaux sont subversifs dans la société qui est la nôtre. Ces travaux sont des anti images-inertes nées d’une pratique politique anti-contemplative du plaisir d’être et de faire.
Jean-Pierre Maury – 1978
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BRÉVE TERMINOLOGIE, PROPRE À L’AUTEUR ET INDICATIONS GÉNÉRALES DE CELUI-CI POUR LA COMPREHENSION DES TITRES DE SES TABLEAUX
CARTE BISEAUTÉE
Appellation générique des tableaux originellement carrés ou rectangulaires dont un bord a été coupé obliquement et dont le contenu a été modifié en fonction de cette particularité (après 78).
CARTE TRUQUÉE
Appellation générique des tableaux de format rectangulaire dont il existe au moins un tableau similaire par la composition, mais de format carré (après 78).
COURBES SIMULÉES
Appellation générique des tableaux dont la composition est fondée sur une modification progressive des dimensions des ouvertures des fenêtres dont résulte, pour l’œil, l’apparition d’une courbure ; celle-ci est fictive, le tableau n’étant composé que de lignes droites.
COURBES SIMULÉES SINUEUSES
Appellation générique des tableaux comportant des courbes simulées dont le tracé est dérivé suivant une courbure nouvelle vers l’extérieur du prolongement fictif attendu de la courbure initiale envisagée.
COULEURS
Dans l’intitulé des titres des tableaux, les couleurs sont indiquées par les initiales majuscules des noms de celles-ci suivies d’un point. Ainsi : B. = bleu, Br. = brun, C. = ciel, G. = gris, J. = jaune, M. = mauve, dans la 6• programmation, moutarde, dans la 5e programmation, N. = noir, R. = rouge, V. = vert, en général, violet dans la 4e programmation et W. = blanc.
Les tableaux sont souvent définis par un groupe de trois couleurs, pour les tableaux postérieurs à 1977, ces couleurs sont celles des formes de la première ouverture de la fenêtre, pour les tableaux antérieurs à 1978, ces trois couleurs sont celles des formes utilisées, dans leur ordre d’apparition, ou, s’il y a juxtaposition de plusieurs combinaisons, ce sont celles des formes de la première combinaison, dans leur ordre d’apparition également.
DIMENSIONS
Les dimensions indiquées sont toujours celles des tableaux envisagés comme des objets terminés, c’est-à-dire fixés éventuellement sur un fond et encadrés, si besoin est.
Les fonds et les cadres ne sont pas toujours reproduits dans les illustrations.
Pour les intégrations dans l’architecture, les mesures données sont la plus grande hauteur et la plus grande longueur.
Toutes les dimensions données sont à comprendre hxl.
ÉTIREMENT
Nom générique d’une modalité de composition qui, dans les tableaux postérieurs à 1977, consiste à faire glisser les unes sur les autres, suivant un axe, les trois grilles colorées qui, superposées, figurent les cartes d’un jeu dans le travail envisagé. Ce type de composition a pour but de reconstituer métaphoriquement un exercice de manipulation tel que peut en réaliser un prestidigitateur avec des cartes à jouer.
Suivant l’amplitude du mouvement, on distinguera des petits et des grands étirements.
ÉCHELLE
Dans les travaux antérieurs à 1978, selon le choix fait entre quatre dimensions possibles pour les ouvertures des fenêtres, un même tableau pouvait être réalisé en quatre différentes échelles, numérotées de 1 à 4.
FENÊTRE
Nom usuel, dans les travaux antérieurs à 1978, d’une surface, le plus souvent de carton, percée d’une ou de plusieurs ouvertures, carrées ou rectangulaires, parallèlement et régulièrement juxtaposées par rapport à ses bords.
Dans les travaux postérieurs à 1977, les fenêtres connaissent parfois des déformations et ne sont pas toujours en relief.
FORMES ET CONTREFORMES
Nom générique d’une modalité de composition de certains travaux de la troisième programmation qui consiste à juxtaposer deux compositions, semblables dans leur principe, la deuxième étant réalisée à l’aide des négatifs des formes utilisées pour la première.
MANIPULATION RATÉE
Nom générique d’une modalité de composition utilisée dans les tableaux postérieurs à 1977, la manipulation ratée est la suite malheureuse de l’étirement, elle figure, en une métaphore plastique minimaliste, le moment où la dextérité du manipulateur s’est exercée jusqu’à sa limite où se rencontre l’échec, quand le talent a été trop sollicité.
ORIENTATION
Nom générique d’une caractéristique fondamentale des tableaux postérieurs à 1977 fondés sur le principe de la superposition de trois grilles colorées représentant, superposées, les cartes d’un jeu.
A la première grille, constituant le fond, sont superposées, d’abord, une grille à diagonales larges, ensuite, une grille à diagonales étroites. Pour l’observateur qui fait face au tableau, celui-ci étant posé verticalement sur sa base, ces diagonales peuvent être orientées de gauche à droite, suivant que leurs sommets sont à gauche et leurs bases à droite, ou de droite à gauche, dans le cas inverse. Ces diagonales peuvent donc être parallèles de deux façons, ou peuvent se croiser de deux façons également, suivant l’orientation de chacune.
Ainsi se distinguent, dans les tableaux, quatre types d’orientation qui sont figurés par l’indication des sens des deux diagonales, du sommet à la base, le premier sens concernant la diagonale large, le deuxième la diagonale étroite. Les mots « gauche » et « droite » sont remplacés dans les titres par les lettres G et D et ainsi sont exprimées les quatre orientations possibles : GD-GD, DG-DG (diagonales parallèles) et GD-DG, DG-GD (diagonales croisées).
Certains tableaux, postérieurs à 1977, sont posés sur la pointe, dans ce cas, dans l’intitulé du titre figure la mention « s.p. « . Le coin supérieur d’un de ces tableaux s.p. est toujours le coin supérieur gauche du même tableau susceptible d’exister sur sa base ; c’est en l’envisageant sur celle-ci qu’on en détermine l’orientation.
OUVERTURE
Nom générique de l’espace vide d’une fenêtre derrière lequel se disposent les formes utilisées pour un tableau.
Les ouvertures des fenêtres se numérotent à partir de 1, de haut en bas et de gauche à droite, à partir de l’ouverture la plus proche du coin supérieur gauche du tableau.
Pour les tableaux posés sur pointe(s), l’ouverture la plus haute, et éventuellement la plus à gauche de l’observateur faisant face au tableau, est réputée n° 1.
Le nombre d’ouverture de la (ou des) fenêtre(s) d’un tableau est une des caractéristiques essentielles de ce tableau, il figure dans tous les titres, soit en tête du titre, soit à la suite de l’énoncé du type de composition envisagé, ex. : 4, 8, 9, 16, 30, 40, 48, 56.
PROGRAMMATIONS
Nom générique des six ensembles de tableaux conçus entre 1968 et 1978.
SOMME
Nom générique d’une modalité de composition de tableaux antérieure à 1978. La somme est fondée sur le principe de la sommation de trois formes, présentées tour à tour une à une et, ensuite, surperposées dans l’ordre de leur présentation.
STORY
Nom générique d’une modalité de composition de tableaux antérieure à 1978. La composition de type story est fondée sur la présentation de trois formes, tour à tour, une à une, deux à deux et trois à trois, dans l’ordre ou la suggestion de l’ordre de leur présentation.
TITRE
Titre d’un tableau : ensemble de références fonctionnelles destinées à permettre à l’auteur d’identifier, de restaurer ou de refaire, si besoin est, un tableau.
TRACES
Nom générique d’une série de tableaux entreprise en 1981. Dans ces tableaux, sans modification de la rigueur des structures, une place importante est faite au travail et au plaisir de la matière des supports.
Jean-Pierre Maury – 1982
Ce texte est paru dans « Mots de Passe », n°2, Bruxelles, février 1984
TXT 1983002 à l’année 2022
SUR L’USAGE ET LE GOÛT DES OXYMORES
(compilation d’extraits des carnets d’atelier réunis en 2022 et commentés parfois)
« L’Esprit et le Cœur » TXT 1983002
En 1983, à l’occasion de ma deuxième exposition personnelle au Salon d’Art à Bruxelles, il m’est venu de vouloir choisir un titre pour cette présentation.
Pour cette exposition, animé par un très subjectif souci de picturalité, de nature esthétique, j’eus à cœur, tout en tenant à mon ferme projet de ne rendre compte que du patient développement de la structure choisie dès 1978, d’inclure des choix de mise en œuvre innovants dans la réalisation des travaux.
Hormis des aventuriers originaux et créatifs renouvelant le propos et forgeant tant mon admiration que ma détermination, souvent ma perception de la pratique de l’art d’esprit construit me laissait déplorant un stérile et répétitif alignement de figures géométriques, dépourvu de sens, au goût de « trop peu« , englué dans des contraintes formelles convenues pour un motif qui m’échappait. Il me fallait donc m’affranchir d’un formalisme de surface, m’inventer des modalités d’exécution fort personnelles, tout en restant, dans le même temps, soumises à la poursuite du projet, certes revêtu « d’habits neufs« , mais toujours voué à son seul sujet/objet : la structure. Cette pratique synchrone, mettant en œuvre un exercice intellectuel objectif de composition et une liberté d’illustration affranchie des stéréotypes formels, me fonda à proposer comme titre pour l’exposition : « L’Esprit et le Cœur ».
Ce texte est un des premiers qui annonce ce qui sera formalisé en 1989 sous le titre « Premiers prolégomènes à une déclaration sur l’Intégralisme » (TXT 1989001). Si la déclaration annoncée restera à l’état de projet, l’essentiel avait été formulé, l’antagonisme revendiqué pour la pratique impliquait dès lors l’orientation « oxymorique » assumée du travail. (note de 2020)
« La ligne « oxymorique » et « Les échappée oxymoriques » TXT 1986001
Parmi bien des choses convenues, e.a. les aplats francs, les textures lisses, les lignes tracées à l’aide d’instruments etc., nombre de celles-ci peuvent être ou contournées ou agrémentées, ainsi à l’idée de rectitude généralement associée à la ligne, au trait, j’ai tenu à substituer un élément plastique original baptisé « la ligne oxymorique« . Ce trait, présente la caractéristique d’avoir deux côtés de nature différente, un côté parfaitement droit, maîtrisé et régulier, un autre légèrement sinueux, le devant au hasard de sa mise en œuvre. Pour exécuter ce type de trait, j’eus à fragmenter avec précision les supports selon leurs tracés, à en peindre ensuite chacun des éléments, et à en souligner les contours par trempage ou tamponnage sur des surfaces de feutre imbibées de peinture. Tous les éléments ayant été traités, l’ensemble est resserti à la manière d’une marqueterie, il en résulte que toutes les lignes visibles sur le travail terminé présentent la caractéristique d’être à la fois droites et sinueuses …
L’exercice de cette pratique, fréquemment répétée, a naturellement suscité un intérêt pour l’utilisation heureuse d’un résultat inattendu. Alors que la tranche trempée des éléments, riche d’un trop pris de peinture lors du tamponnage, devait être essuyée sur un support plane, une trace en demeurait et, l’opération se repentant, la tentation d’un positionnement esthétique libre de toutes ces traces se fit jour. Parallèlement donc à l’œuvre projetée, une seconde image, née d’une nécessité technique pour l’exécution de ladite œuvre, naissait, caractérisée par l’intuitif caprice esthétique autorisé par la circonstance. Le nom générique « Echappée oxymorique » a été donné à ces images, elles sont par ailleurs aussi sous-titrées « Mémoire de traits ».
Ces images, réalisées entre 1981 et 1990, ont été conservées, l’idée de montrer simultanément ces images et les travaux qui en étaient à l’origine se fit jour dans les années 90, la dispersion des œuvres à la base de ces imagse ne permit pas de concrétiser le projet.
Les « Echappées oxymoriques » furent donc rangées et un peu oubliées, retrouvées en 2021 elles furent alors inventoriée et reprises dans l’inventaire des travaux. (note de 2022)
L’intégralisme en œuvre TXT 1996003
Une sorte de théorisation globale explicative de la pratique dite « oxymorique », pratique incluant la simultanéité inattendue d’éléments réputés antagonistes dans l’exercice convenu, voire attendu de l’art d’esprit construit, fut formulée en 1989 dans le texte « Premiers prolégomènes à une déclaration sur l’intégralisme » (TXT 1989001).
Ce texte, bilan et programme, rendait compte de l’exécution d’œuvres déjà réalisées et annonçait ce qui fonderait les travaux à venir, le nom générique donné à ces créations fut : « composition intégraliste ».
Au nombre des travaux initiés dans le cadre de cette attitude, tant de rupture que de pleine implication, il faut citer les travaux intitulés « Traces » alliant la rigueur des compositions à un travail quasi sensuel de préparation des supports, sont à mentionner ici également toutes les encres réalisées sur cartons ou papiers mouillés où les structures strictes s’incarnaient dans une sorte de flou maîtrisé. Les dessins, à partir de 1987, réalisés à main levée, montraient la volonté de s’affranchir du recours aux instruments pour affirmer, sans complexe, l’aisance acquise dans l’atelier, ce sans pour autant céder à la complaisance.
Une sorte de contrainte morale émancipatrice sous-tendait le travail et le dynamisait : « tout s’autoriser, sans, pour autant, se permettre n’importe quoi … ».
Oxymore et noms donnés aux expositions TXT 2020002
Depuis 1983, où une exposition fut intitulée « L’Esprit et le Cœur », à de nombreuses reprises des oxymores furent régulièrement choisis pour titrer des expositions.
2000 « XXe / dernière ! « , Galerie Ephémère, Montigny-le-Tilleul (B)
« Intérieurs x extérieurs », Le Salon d’Art – Jean Marchetti, Bruxelles (B)
2001 « XXIe / première ! « , Le Salon d’Art – Jean Marchetti, Bruxelles (B)
2002 « Ruhige Turbulenzen », Gesellschaft für Kunst und Gestaltung, Bonn (D)
« Tranquilles Turbulences », Galerie Arte On, Knokke Zoute (B)
2003 « Envols stationnaires », Galerie Quadri, Bruxelles (B)
2006 « Ancrages mouvants », Le Salon d’Art – Jean Marchetti, Bruxelles (B)
2008 « Carrément tondo, ou presque… », Galerie Quadri, Bruxelles (B)
2011 « Stabilités indécises », Galerie Quadri, Bruxelles (B)
2013 « Ondoyantes planitudes », Galerie Quadri, Bruxelles (B)
« Raccourci en détour », Galerie Détour, Jambes (B)
2017 « Première dernière », Galerie Quadri, Bruxelles (B)
« Static Movement », Jean Pierre Maury & Dirk Verhaegen », FeliXart Museum,
Drogenbos (B)
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MESURES art international
1er ÉDITORIAL
Ce texte est l’éditorial de la première livraison, en date du 10 juin 1988, de la revue « MESURES art international », revue de langue française consacrée exclusivement à l’art d’esprit construit, fondée le 23 janvier 1988 par : Marcel-Louis BAUGNIET, Jean-Jacques BAUWERAERTS, Jo DELAHAUT, Jean-Pierre HUSQUINET, Jean-Pierre MAURY, Victor NOËL et Léon WUIDAR.
Mise en œuvre par un collectif de peintres, sans équipe rédactionnelle permanente, « MESURES » ne fut pas le reflet du regard des commentateurs habituels de l’art, mais le champ d’action des praticiens.
Le 23 janvier 1988 a été fondée la revue «MESURES». «MESURES» ne sera pas simplement, une revue de plus sur le marché déjà étendu des publications relatives à l’art.
«MESURES» veut être une revue autre et singulière, vouée à rendre compte de la vivacité et de la verdeur de l’art d’esprit construit, seule mouvance artistique résolument nouvelle qui, née à l’aube du siècle, en aura traversé la quasi totalité, devenant indiscutablement historique et demeurant indéniablement actuelle — toujours patiemment développée et toujours en évolution.
Mise en œuvre par un collectif de peintres, sans équipe rédactionnelle permanente, «MESURES» ne sera pas le reflet du regard des commentateurs habituels de l’art, mais le champ d’action des praticiens.
«MESURES» sera ainsi le lieu de rencontre des constructeurs, de ceux qui composent et réfutent la pratique bavarde de l’art pour s’adonner, dans la rigueur et la ferveur, au langage le plus simple et le plus clair, celui où il se vérifie que la ligne droite est le plus court chemin vers l’infini et la courbe le plus sûr moyen d’étreindre l’univers.
Sûre ainsi qu’elle concerne des valeurs que le temps n’atteint pas, en dépit des éphémères caprices de la mode, avatars nécessaires à la loi du marché, la mouvance construite se sait aussi profondément internationale dans son développement, «MESURES» se devra donc d’ouvrir ses pages à ceux qui, partout dans le monde, œuvrent animés par l’esprit de structure, qu’ils soient artistes, animateurs de lieux ou de publications, collectionneurs, etc…
Présentant des œuvres originales, des artistes, des textes inédits, des bibliographies, des informations sur l’actualité des manifestations et des publications dédiées, partout dans le monde, à l’art d’esprit construit, ouvert, dans la même perspective, aux problèmes de l’architecture et de l’urbanisme, s’offrant à être le lieu d’éventuelles polémiques, «MESURES» contribuera au labeur incessant des constructeurs qui, dans leurs laboratoires d’idées, bâtissent déjà l’humanisme internationaliste culturel par lequel l’homme du 21ème siècle échappera à la quotidienneté de l’inéluctable.
Jean-Pierre Maury -1988
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MESURES art international
2ème ÉDITORIAL
Ce texte est l’éditorial de la deuxième livraison, en date du 30 novembre 1988, de la revue « MESURES art international », revue de langue française consacrée exclusivement à l’art d’esprit construit, fondée le 23 janvier 1988 par : Marcel-Louis BAUGNIET, Jean-Jacques BAUWERAERTS, Jo DELAHAUT, Jean-Pierre HUSQUINET, Jean-Pierre MAURY, Victor NOËL et Léon WUIDAR.
Mise en œuvre par un collectif de peintres, sans équipe rédactionnelle permanente, « MESURES » ne fut pas le reflet du regard des commentateurs habituels de l’art, mais le champ d’action des praticiens.
La parution du deuxième numéro d’une revue consacrée à l’art d’esprit construit suscite chez ceux qui l’animent une salubre effervescence, l’enthousiasme des premiers jours s’y trouve vivifié par les acquis de la mise en œuvre, de la diffusion et de l’accueil de la première livraison.
Il est trop tôt pour faire un quelconque bilan, mais des constatations et des espérances fondées peuvent être formulées, elles s’appuient sur la large adhésion rencontrée par le projet d’abord, par sa concrétisation ensuite.
S’il est ordinairement dangereux que la foi tienne lieu de raison, il n’est de pire sanction à l’élan créatif que le renoncement au rêve, à l’idéal et à l’espérance.
C’est donc sans étude de marché et sans perspective de rentabilité ou de profit, mais réunis par une sorte de nécessité impérieuse, que les fondateurs de «MESURES» ont mobilisé leurs énergies, voulant ainsi remédier au sentiment de quasi déréliction où les laissait l’absence troublante de commentateurs et de propagateurs spécifiques de l’art d’esprit construit.
En effet, comme c’est bien sur le fondamental et le structurel, sur le poétique et sur la liberté finalement, que porte leur pratique, les artistes construits découragent les thuriféraires ordinaires des plus bavardes banalités, tellement loin qu’ils sont de la gratuité du spectaculaire accordé au caprice de la mode et du marché.
Si ces artistes pouvaient se croire seuls, ils sont cependant loin de l’être, c’est là le premier enseignement à tirer de la mise en œuvre de la revue.
S’il a fallu solliciter la collaboration d’artistes, et ainsi les mieux connaître, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, il a fallu également pour assurer la diffusion de la publication se déplacer et être activement présent, notamment, en France, en Suisse et en Allemagne, à l’occasion de foires ou d’expositions internationales.
Ces contacts et ces voyages ont contribué à la vérification de l’intuition à l’origine de l’aventure «MESURES» : en effet, il s’avère que l’art d’esprit construit est non seulement bien vivant, mais en plein renouveau, qu’il aborde des problématiques de nature fondamentale avec une totale liberté et qu’il est affranchi d’un formalisme de surface dont on pouvait lui faire grief.
Si la découverte du foisonnement international fécond des expériences développe un sentiment d’appartenance, l’accueil et les commentaires très positifs des souscripteurs ont renforcé la confiance dans l’opportunité de l’entreprise.
Que ces souscripteurs soient remerciés, ils sont, dans le public, les premiers relais de la propagation d’un idéal de création fondamentale encore renforcé, que pour eux et grâce à eux, les initiateurs de «MESURES» veulent illustrer et surtout expliciter.
Cette fin de siècle voit l’avènement de la prépondérance de la communication interactive, «MESURES» y trouve sa place, car la conviction des praticiens est que désormais il est capital de joindre à l’exercice de leur savoir faire la pratique d’un faire savoir indispensable et attendu.
Jean-Pierre Maury -1988
TXT 1989001
PREMIERS PROLEGOMENES A UNE DECLARATION SUR L’INTEGRALISME – 1989
La série de textes dont celui-ci est le premier se fonde sur une réflexion et une pratique entamée dès 1980, les premiers résultats en furent montrés dès 1981.
Un accident récent de l’aventure de l’expression de la conscience humaine a contribué à parceller l’approche des potentialités de l’homme qui, objet de connaissance légitimement démonté pour une étude nécessaire, c’est trouvé au terme de celle-ci inconsciemment contraint de ne plus exprimer de lui-même que telle ou telle spécificité exclusive que l’investigation catégorisant dominante avait répertoriée.
Ainsi le discours du poète fut séparé de celui du savant, ainsi l’expérience rejeta l’intuition, ainsi l’ordre devait régner…
L’intention normative débouchait sur la mutilation, tel pouvait se prévaloir de l’exercice de sa rigueur, tel autre de l’expression de ses émotions, l’hémiplégie allait être la punition infligée à la carence d’une volonté de connaissance qui oubliait que, si son moyen de s’exercer était de fragmenter ces objets, son but devait demeurer de les unir.
Le développement de théories scientifiques nouvelles quasi spéculatives, car non immédiatement vérifiable par l’expérience, qui ouvrent une perspective nouvelle et, autre exemple, la prise en considération de la notion de désordre dans des tentatives de systématisation de phénomènes, engagent à reconsidérer l’inéluctabilité réductrice d’anciennes approches, quand les certitudes de l’aléatoire se combinent aux doutes sur la nécessité.
De ce survol épistémologique succinct, il résulte que la complexité de maints objets de connaissance a été sous-estimée et que l’action seule de la pleine étendue de la diversité des potentialités humaines, réconciliées et unifiées enfin, pourra mener à bien le projet de la connaissance et, par là, la sauvegarde de l’avenir.
La prise en considération assumée et militante de la diversité des voix qui parlent en chacun, cette volonté de mise en œuvre de l’intégralité accessible de la ressource humaine contribuent, d’ores et déjà, à fonder et à féconder l’évolution attendue de la mouvance construite qu’elle concerne au premier chef.
Jean-Pierre Maury – 1989
Ce texte a été publiés dans » MESURES art international « , n°3, avril 1989, Liège (B) et dans » PRO « , n°9, mars 1993, Geldrop (NL).
TXT 1989002
DÉTENTE INTERNATIONALE
UNE RELECTURE DE L’HISTOIRE ?
Ce texte est extrait d’une conférence intitulée « Le renouveau et les nouvelles orientations attendues de la mouvance construite », prononcée à ’auditorium des Riches Claires, à Bruxelles, le 29 novembre 1989, dans le cadre de la Semaine des Arts Plastiques. (ce texte fut publié en 1991 dans Mesures art international)
La modification que l’on peut constater depuis deux ou trois ans dans le contenu du discours des commentateurs de l’art mérite d’être abordée aujourd’hui. Elle paraît révéler une évolution significative susceptible de repositionner l’importance historique indéniable de la mouvance construite et de ses précurseurs. Elle témoigne, ainsi que nous le verrons, de ce que le circonstanciel ne peut indéfiniment occulter la matérialité de l’histoire.
En 1973, Andrei Nakov, dans le n°7 d’Art Press, dans un article sur Alexandre Rodchenko intitulé « Le dépassement de la problématique picturale », soulignait à quel point était passée inaperçue de la critique une petite exposition du Musée d’Art moderne de New-York consacrée aux productivistes russes et à Rodchenko, tandis que, dans le même temps, de longs textes étaient consacrés à ceux que Andrei Nakov nommait, en 1973, « les adeptes contemporains du constructivisme russe », à savoir : Carl André, Sol LeWitt, Dan Flavin, etc. …
Il y voyait pour cause, au delà du faible argument de la barrière des textes, le refus d’une large part de la critique américaine de voir la portée d’une œuvre radicale et de son fondement théorique car son acceptation aurait équivalu, non seulement à la dévaluation partielles de certaines « inventions » de l’avant garde de l’époque, mais aurait aussi remis en cause une échelle de valeurs artistiques prématurément momifiée où le minimalisme américain ne devait trouver sa place que comme réaction à l’expressionnisme abstrait américain -lui aussi-, ainsi restait-on entre gens de bonne compagnie, entre américains – avec le recul, une telle lecture de l’histoire de l’art équivaut à un avatar de la guerre froide.
La grande majorité de la critique de l’ouest, en ce compris l’européenne, a emboîté le pas à ce type de discours et, dans le même numéro d’Art Press, Catherine Millet, évoquant Kelly, Noland, Olitski et Stella, rattache cette peinture de la géométrie exclusivement à la réaction à l’expressionnisme abstrait américain, passant brièvement sur le fait que Kelly travailla et exposa à Paris de 1948 à 1952 et fut en contact ainsi avec les artistes géométriques européens.
Dans les interviews de l’époque, c’est-à-dire dans les interviews des années 70, les artistes minimalistes américains mettent exceptionnellement l’accent sur des origines européennes, quand c’est le cas, les interviewers de l’époque ne relèvent pas le fait.
L’artiste qui a paru le plus volontiers mettre en avant ces origines est Carl Andre, ce qui n’est pas étonnant quand on considère la lucidité dont témoigne l’œuvre de cet artiste. C’est, par exemple, Carl Andre, dans l’entretien avec Irmeline Lebeer de 1974 dans les Chroniques de l’Art vivant, qui évoque le fait que son travail de 1959-60 sortait et de Brancusi et, disait-il, « dans un certain sens des constructivistes russes ». En 1971, par contre, au sujet de Sol LeWitt dans l’Art Vivant, à l’occasion d’un très grand article sur lui, il n’y a pas un seul mot sur les précurseurs.
Cette attitude paraît être le fait des commentateurs inscrits dans une nécessité de donner un sens à une histoire plus que le fait des artistes eux-mêmes, à titre d’exemple, dès 1969 une série d’oeuvres de Dan Flavin est intitulée « Hommage à Tatline » tandis que d’autres œuvres sont dédiées à Josef Albers.
Le langage a changé depuis peu, dans le n°6 de la revue française Art studio de l’automne 87, numéro consacré à l’art minimal, les commentateurs eux même placent en exergue l’apport des précurseurs constructivistes. Dans l’introduction à diverses études consacrées à Carl Andre, Dan Flavin, Donald Judd, Sol LeWitt etc. …, Claire Stoullig écrit :
» Unités conceptuelles concrétisées, opérations mentales logiques, éléments modulaires en série, formes géométriques neutres répétées constituent une syntaxe simple et autonome à examiner cependant en relation avec la tradition moderniste de la première décennie du siècle. A partir des notions de poids, de tension et de situation spatiale, que développent Tatline et Rodtchenko, par exemple, et des recherches de Brancusi autour de la question du socle, de l’idée d’équilibre, de répétition, de symétrie et de série, les artistes poursuivent l’analyse de lois et forces physiques permettant l’apparition de l’objet sculptural dans l’espace «
L’étude consacrée dans cette revue à Carl André par Michel Assenmaker commence par : « Que retient Carl Andre de la sculpture constructiviste ? ». L’essentiel du texte fait référence à la composition de l’espace de Strzeminski et de Kobro et, au nombre des références citées dans les notes, reviennent souvent les noms de Rodchenko et d’Andrei Nakov dont nous avons parlé au sujet de ce fameux article de 1973 dans Art Press.
Pour ce qui concerne Donald Judd, les noms de Malevitch et de Mondrian apparaissent comme points de référence pour le travail. Pour ce qui concerne Sol LeWitt, dans l’étude consacrée à celui—ci, l’auteur évoque d’abord une similarité entre l’approche minimaliste et l’approche néo-plasticienne (Van Doesburg), pour dire ensuite que le minimalisme de LeWitt ne vient pas que du constructivisme et de de Stijl, ce qui est à tout le moins une façon de dire qu’il en vient quand même. Pour l’œuvre de Flavin, il est mentionné que celle-ci pourrait se rapprocher d’un constructivisme conceptualisé.
Ces commentaires sont récents et ils témoignent de ce que s’il apparaît qu’il y a pu y avoir il y a quinze ou vingt ans une lecture « impérialiste américaine » de l’histoire de l’art, avatar de la guerre froide, une autre lecture a succédé à celle-ci, avatar peut-être de la détente internationale. Cette nouvelle lecture a le mérite de repositionner sans doute plus honnêtement les événements et de souligner l’importance capitale de la mouvance construite dans une partie capitale de l’art d’aujourd’hui dont l’inconscient du commentaire historique avait voulu la bannir dans un premier temps.
Les artistes américains furent plus honnêtes ou plus lucides que les commentateurs et je vous lirai à ce sujet deux citations de Robert Morris :
» Les beaux jours de l’art américain abstrait, dans les années cinquante et soixante, coïncident avec ce qui fut aussi des décennies d’autorité impériale incontestée … Il y a au cœur de l’expressionnisme abstrait et du minimalisme la projection d’une aura de pouvoir et de domination sur le spectateur. (« American Quartet », in Art in America, déc. 1981)
L’art a toujours servi tel ou tel ensemble de forces dont il dépendait, et ce, sans grande considération pour sa moralité …. L’art est toujours un instrument de propagande pour quelqu’un. » (« Notes on Art as/and Land Reclamation », in October 12, 1980)
Ce repositionnement contribue, bien sûr, au renouveau de la mouvance construite car il met encore plus en avant son caractère fondamental.
En plus, pouvoir associer l’idée même du renouveau de la mouvance construite avec l’idée, l’espérance et les réalités quotidiennement constatées de la détente Est-Ouest a tout pour nous réjouir.
Jean-Pierre Maury -1989
O O O
CONCLUSION RETROUVÉE TXT 1989002/02
Dans l’original de TXT 1989002, retrouvé avant l’organisation des archives, figure une conclusion, non reprise dans sa publication en 1991 dans Mesures art international :
Un des derniers points que je voudrais mettre en évidence concerne de nouvelles attitudes qu’implique l’évolution récente de certaines idées et la réflexion sur celle-ci.
Ces attitudes nouvelles ont un but, contribuer à enrichir les perspectives de la mouvance construite, cet enrichissement cependant je dois pas être une dérive et il est important de dire que, au premier chef, l’art d’esprit construit doit demeurer enraciné dans la volonté de toujours situer son apport dans des images ou dominent l’ordre, la logique et la clarté.
Cependant, nous ne devons pas nous cacher que nous sommes dans une période post-positiviste où le développement de théories scientifiques nouvelles, quasi spéculatives, car non immédiatement vérifiables par l’expérience, ouvrent des perspectives nouvelles, tandis que la prise en considération de la notion de désordre dans des tentatives de systématisation de phénomènes engage à reconsidérer l’inéluctabilité réductrice d’anciennes approches, quand les certitudes de l’aléatoire se combinent aux doutes sur la nécessité.
Jean-Pierre Maury -1989
TXT 1989003
MESURES art international
3ème ÉDITORIAL
Ce texte est l’éditorial de la troisième livraison, en date du 11 avril 1989, de la revue « MESURES art international », revue de langue française consacrée exclusivement à l’art d’esprit construit, fondée le 23 janvier 1988 par : Marcel-Louis BAUGNIET, Jean-Jacques BAUWERAERTS, Jo DELAHAUT, Jean-Pierre HUSQUINET, Jean-Pierre MAURY, Victor NOËL et Léon WUIDAR.
Mise en œuvre par un collectif de peintres, sans équipe rédactionnelle permanente, « MESURES » ne fut pas le reflet du regard des commentateurs habituels de l’art, mais le champ d’action des praticiens.
Avoir intitulé la présente revue «MESURES» n’a pas évité à ses initiateurs de commettre deux importantes erreurs d’appréciation, l’une portait sur l’ampleur du sujet, l’autre sur l’importance de l’audience qu’un tel sujet était susceptible de rencontrer. Nous expliquerons que c’est sur la considération de ces erreurs, qui ne sont pas des fautes, que se fonde le renforcement de l’enthousiasme originel des protagonistes de l’aventure et la conviction qu’ils ont, de plus en plus, de la pertinence du propos qu’ils désirent continuer à tenir.
Avoir choisi, pour sujet exclusif, l’art d’esprit construit était pour les fondateurs de la revue un moyen d’attester de la vigueur d’une expression dont ils pouvaient craindre qu’elle soit un peu laissée à l’abandon par la carence des professionnels du commentaire, tandis que les rangs de ses défenseurs paraissaient clairsemés face au déferlement des «-ismes» de tout acabit.
Or, générés par l’existence même de la revue, les contacts nombreux que ses animateurs ont développés conduisent à la réconfortante certitude de ce que, partout, aujourd’hui, des individualités s’investissent profondément dans la poursuite d’une recherche dont résultent des œuvres passionnantes et variées, témoignant tant de la force injectée déjà par les illustres devanciers que du renouveau qu’un sang neuf amène.
C’est dire là qu’abonde une matière dont il conviendra de se faire un relais dans l’avenir. C’est reconnaître aussi que, né d’un certain sentiment de solitude, «MESURES», sera, en fait, dans son devenir l’écho d’une affluence, ce pour la joie de ses créateurs qui y trouvent une immédiate récompense et la justification motivante de leurs efforts.
Pour ces raisons, «MESURES» accroît dès ce troisième numéro sa pagination, passant de 32 à 40 pages, tandis qu’est mis en œuvre un nouveau concept d’agenda destiné à rendre compte du très grand nombre de manifestations consacrées à l’art d’esprit construit au sujet desquelles des informations nous parviennent de partout.
Par ailleurs, en dépit de l’enthousiasme du premier élan, les initiateurs de la revue ne se dissimulaient pas la difficulté incontournable d’atteindre une audience minimale pour assurer la viabilité de l’entreprise et en éprouvaient une légitime inquiétude.
En fait, le lectorat constitué dépasse les prévisions les plus optimistes et, sur ce point également, l’erreur se révèle tonifiante et contribue à forger le sentiment d’utilité qui anime les promoteurs de «MESURES».
La double prise de conscience exprimée ci-dessus engendre immédiatement deux sentiments, l’admiration, pour de nombreux artistes rencontrés, la gratitude, pour le public qui a donné sa confiance. «MESURES» y puisera sa jouvence !
Jean-Pierre Maury -1989
TXT 1990001
MESURES art international
4ème ÉDITORIAL
Ce texte est l’éditorial de la quatrième livraison, en date du 21 mars 1990, de la revue « MESURES art international », revue de langue française consacrée exclusivement à l’art d’esprit construit, fondée le 23 janvier 1988 par : Marcel-Louis BAUGNIET, Jean-Jacques BAUWERAERTS, Jo DELAHAUT, Jean-Pierre HUSQUINET, Jean-Pierre MAURY, Victor NOËL et Léon WUIDAR.
Mise en œuvre par un collectif de peintres, sans équipe rédactionnelle permanente, « MESURES » ne fut pas le reflet du regard des commentateurs habituels de l’art, mais le champ d’action des praticiens.
Le monde change, le terme de la décennie qui vient de s’achever a vu s’accomplir des bouleversements qui paraissaient impensables il y a peu. Dans cette tourmente, dont nul ne sait ce qui résultera, face aux enjeux de sociétés et de systèmes qui dépassent le pouvoir de l’homme singulier, mais le concernent au premier chef, notre réflexion et notre pratique trouvent leur place.
Construire est en effet toujours construire demain et cet ancrage spirituel dans l’espérance fonde notre réalisme radical, celui qui a choisi comme sujet la structure elle-même et l’analyse de celle-ci, faisant ainsi porter l’effort sur des valeurs que le temps n’atteint pas et dont on peut pressentir qu’elles pourront, un jour prochain, s’affirmer au-delà de toutes les frontières.
C’est, en effet, l’internationalisme de la mouvance construite qui, s’affirmant de plus en plus, paraît le fait saillant aujourd’hui. L’agenda que nous publions le montre, des perspectives telles que l’exposition «Universal Progression» à Moscou, l’été prochain, en témoignent, la ventilation en de très nombreux pays de nos souscripteurs le prouve.
Convaincus donc que notre aventure s’inscrit au-delà d’un localisme frileux, ayant sous-titré notre revue «Art International», nous sommes heureux, à l’occasion de notre quatrième livraison, de présenter des contributions de plusieurs artistes étrangers qui participent à la mise en œuvre du laboratoire d’idée que nous appelions de nos vœux dès notre premier numéro.
Depuis celui-ci, très vite, beaucoup de travail a été accompli pour faire atteindre à «MESURES» une quasi maturité ; et parce qu’on sait que celle-ci n’est jamais qu’une phase transitoire, pour poursuivre nos efforts pour la diffusion de nos idées, nous réfléchissons d’ores et déjà à l’avenir de ce qui s’avère être, au-delà du simple titre d’une publication, l’enseigne d’un esprit et d’une liberté accordés aux idéaux de construction qui sont les nôtres.
Jean-Pierre Maury -1990
TXT 1991001
MESURES art international
5ème ÉDITORIAL
Ce texte est l’éditorial de la cinquième livraison, en date du 1er avril 1991, de la revue « MESURES art international », revue de langue française consacrée exclusivement à l’art d’esprit construit, fondée le 23 janvier 1988 par : Marcel-Louis BAUGNIET, Jean-Jacques BAUWERAERTS, Jo DELAHAUT, Jean-Pierre HUSQUINET, Jean-Pierre MAURY, Victor NOËL et Léon WUIDAR.
Mise en œuvre par un collectif de peintres, sans équipe rédactionnelle permanente, « MESURES » ne fut pas le reflet du regard des commentateurs habituels de l’art, mais le champ d’action des praticiens.
Alors que les nations du monde paraissent se résoudre à devoir affronter une des plus importantes tourmentes, il pourrait sembler léger de vouloir parler d’art, sujet réputé parfois futile, mais préoccupation constante néanmoins de l’espèce humaine dès ses origines.
Cette constance traduit, nous le montrerons, un besoin profond. Ce besoin est celui de la connaissance et c’est par celle-ci que l’homme a tenté de s’élever, même si cette ascension fut jalonnée d’hésitations, de faux pas et d’égarements qui toujours d’ailleurs la menacent.
L’art, dit-on rapidement, est transgression et certains justifient ainsi d’emblée la gratuité de leur bavardage en imaginant que ce sont les règles qu’il suffit de transgresser, alors que ne se transgressent valablement que les formalismes, les académismes et l’ignorance, tandis que les règles demeurent à découvrir et que là seulement réside la mission de l’art.
Accéder par un patient travail à la connaissance des règles, des structures et des relations qui régissent l’univers de la plasticité amène les artistes de la mouvance construite à outrepasser ce domaine pour référer au tout et contribuer, ainsi, à la nécessaire tentative d’édification et de consolidation d’un monde menacé de désagrégation, ce par la méconnaissance des lois et des valeurs de l’humain et du naturel, ainsi que de l’éthique qui doit les régir.
Ainsi, l’art n’est-il point un sujet futile et nous sommes, plus que jamais, fondés à en parler ; ainsi faut-il aussi, plus que jamais, se préoccuper de construire, c’est-à-dire de connaître, de peur de devoir envisager bientôt de devoir reconstruire sur des fondations labourées par l’ignorance qui aura déferlé.
Pour ces raisons, cette cinquième livraison de «MESURES» ouvre ses colonnes, une fois encore, à des artistes de différents pays, afin de montrer que la poursuite de l’action de la mouvance construite trouve une part de ses racines en un internationalisme fécond qui garantit le partage de la compréhension des priorités et qui consolide la validité des espérances.
Jean-Pierre Maury – janvier 1991
TXT 1992001
LA MOUVANCE CONSTRUITE – 1992
Essai de définition
L’utilisation de l’expression « Mouvance Construite » a imposé à son créateur la nécessité de faire le point.
Pour ce faire, il paraît important de décrire les limites du sujet et, d’emblée, il peut apparaître comme un paradoxe de vouloir trouver une limite à ce que l’on a nommé une mouvance, c’est à dire une chose en mouvement, essentiellement fluctuante.
Il faut donc tenter d’expliquer en premier la signification de l’expression « mouvance construite » : c’est en fait une commodité de langage destinée à englober en une formule ramassée une diversité et un foisonnement d’aventures, successives ou contemporaines, relatives à une partie de l’histoire de l’art.
Cette partie de l’histoire de l’art est elle-même une partie de l’histoire de l’abstraction. Celle-ci est née au début du siècle, en même temps à Munich, avec Kandinsky, à Moscou, avec Larionov, a Paris, avec Delaunay, Picabia, Kupka …
L’abstraction en peinture, et en sculpture, a pris diverses voies, celles qui nous concernent ont porté des noms divers : « le suprématisme », « le néo-plasticisme », « le constructivisme », « l’abstraction froide », « l’art concret », « le minimal art » et même « l’art conceptuel », cette liste est, bien sûr, loin d’être exhaustive. Se sont trouvés concernés, dans cette perspective aussi, des mouvements variés tels que « Blok, en Pologne, « De Stijl », aux Pays-Bas, « Cercle et Carré », « Abstraction-Création » en France, etc …, la liste n’est pas complète non plus, tant s’en faut.
C’est cette variété d’aventures, unies par une familiarité à expliquer, qui constitue la mouvance construite ; ce à quoi elle se réfère couvre quasiment la totalité du 20ème siècle.
En effet, depuis quasiment le début de celui-ci existe une expression artistique plastique fondée sur une mise en œuvre de surfaces ou de volumes libérés de toute évocation et de toute suggestion d’image anecdotique, la forme régulée y a sa place dans la pureté et dans l’intensité, à ceci se joint l’économie des moyens et la simplicité des structures.
Ce qui précède est la très sommaire description matérielle des éléments d’une convergence envisagée le plus largement.
Cette convergence unit en une familiarité de fait des mouvements et des hommes que séparent et opposent même, parfois, les nuances affirmées de leurs singularités.
C’est pour ne privilégier aucune de ses singularités, et en fait pour affirmer la diversité et la richesse de ces constructeurs, de ceux qui composent et réfutent la pratique bavarde de l’art, qu’a été choisie l’expression « mouvance construite », elle témoigne et de l’appartenance d’individus singuliers et de l’activité elle-même, toujours patiemment développée et toujours en évolution, elle qualifie une pratique désormais indiscutablement historique, mais aussi indéniablement actuelle, d’une verdeur qui se montre toujours au fil de l’actualité.
N’avoir évoqué qu’au plan de sa matérialité convergente une aventure artistique ne fonde que fort peu celle-ci, si un constat d’accord peut s’établir sur ce à quoi ressemble les œuvres de la mouvance construite, un fondement plus fort est à exprimer au delà du seul formalisme.
Tracer des cercles et des carrés n’a, en soi, pas de sens ; ce n’est qu’intégré à une réflexion spirituelle que se crée un langage et que s’impose une nécessité. Détourné de la matérialité anecdotique pour se vouer au plus radical des réalismes, celui qui a choisi comme sujet la structure et l’analyse de celle-ci fait porter son effort sur des valeurs que le temps n’atteint pas.
C’est dans ce fait qu’il faut trouver la raison de la pérennité de l’art d’esprit construit, ainsi que dans la constatation, apparemment simpliste, que construire est toujours construire demain.
Au delà donc de la pesante matérialité, la mouvance construite s’ouvre donc vers l’infini de l’esprit et du cœur, tant dans la gratuité et la joie – qui sont les pendants de l’utile -, que dans la rigueur et la ferveur qu’implique le fait de s’adonner au langage le plus simple et le plus clair, celui où il se vérifie que la droite est le plus court chemin vers l’infini et la courbe le plus sûr moyen d’étreindre l’univers.
Pour ces raisons, sommairement exposées, la mouvance construite peut affronter la durée, en dépit des éphémères caprices de la mode, avatars de la loi du marché. Certes la mouvance construite dure en ce sens que les œuvres originelles qui l’ont fondée existent toujours, mais aussi elle dure en ce sens que jamais ne s’est tari le souffle des acteurs. Ceux-ci ont renouvelé, remodelé sans cesse le propos et, sans doute parce qu’il est le plus fondamental, le sujet s’est montré, par les œuvres qu’il générait, le plus vivant.
Cependant, la mouvance construite n’a pas été de façon permanente à l’avant-scène de l’activité artistique, il s’en faut de beaucoup, et, si sa pérennité paraît assurée pour les raisons évoquées plus haut, son importance circonstancielle a connu des hauts et des bas, alternance de faveur et de désintérêt, qu’il faudra évoquer avant d’en venir aux constatations qui permettent d’évoquer aujourd’hui un renouveau.
Les activités humaines s’inscrivent d’une façon générale dans un cadre économique, l’activité artistique ne dément pas cette assertion en tant que l’art s’inscrit dans un marché qui, pour se perpétuer, engendre des nouveaux flux de marchandises qui sont autant d’offres nouvelles pour créer des demandes nouvelles, c’est en se sens qu’il était dit plus haut que les caprices de la mode sont les avatars de la loi du marché.
Ceci est une composante, elle n’est pas exclusive, le mouvement même des idées, les replis et les abandons ont leur place dans cette réflexion. Il faut bien considérer que la mouvance construite a indéniablement forgé le langage plastique de la civilisation où nous vivons aujourd’hui, il faut voir le mobilier, le design, l’architecture, la typographie, la publicité, l’habillement … – c’est indéniable. Dans cette mesure, les retours à la figuration, ou à ce que Jo Delahaut nommait « des demi-mesures, peintures gestuelles, tachistes ou instinctives », tels qu’on les a connus vers 1926, en 1932, en 1960 et au début des années 80, même s’ils fournissent parfois d’estimables apports, n’apparaissent que comme le signe de temps de repli ou de fatigue, de renoncement ou de facilité, où la séduction parfois réelle ne peut, sur la distance, tenir lieu de conviction.
Etablir des concordances entre les dates évoquées ci-dessus et les événements de l’histoire ne serait pas sans enseignement, mais cet essai de définition veut se centrer sur l’état actuel et les perspectives de la mouvance construite.
Partout des individualités s’investissent profondément dans la poursuite d’une recherche dont résultent des œuvres passionnantes et variées, témoignant tant de la force injectée déjà par les illustres devanciers que du renouveau qu’un sang neuf amène.
Comme dresser un catalogue d’œuvres nouvelles, catalogue forcément arbitraire, limité et incomplet, ne suffirait pas, il faut mettre en avant la spécificité de nouvelles attitudes qui se développent ainsi que des événements révélateurs récents tels que la naissance de revues, revues consacrées à l’art d’esprit construit, et l’organisation de vastes rencontres pluridisciplinaires partout en Europe où plasticiens et scientifiques, sociologues et philosophes, proposent à la réflexion du public les perspectives et les attitudes qu’offrent, et impliquent, tant les nouvelles technologies que la nécessité de repenser les espaces urbains.
Enfin, c’est aussi, et surtout, de l’exercice de la liberté, s’opposant au chaos pour stimuler l’ordre à venir fondé sur la connaissance et la logique, ce en vue d’un approfondissement et d’un enrichissement spirituel de l’homme, que proviendra le meilleur de ce qu’apportera le nouvel élan acquis.
La mouvance construite, dans ce vaste cadre, paraîtra être au nombre de ces actuels laboratoires d’idées où se bâtit déjà l’humanisme internationaliste culturel par lequel l’homme du XXIème siècle échappera à la quotidienneté de l’inéluctable.
Jean-Pierre MAURY – 1992
Ce texte a été publié dans le catalogue de l’exposition « Aspects actuels de la mouvance construite internationale ». Initiée par les Amis des Musées de Verviers, cette exposition s’est tenue en 1993 à Verviers (B) et à La Louvière (B), puis en 1994 à Bruxelles (B) et Antwerpen (B). Une version raccourcie en fut publiée en 1997 dans le catalogue de l’exposition « Radical (1987/1997) Dix ans dans la « mouvance construite », au Moulins de Villancourt, Direction des affaires culturelles de la Ville d’Echirolles (F).
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LA MOUVANCE CONSTRUITE
Il est important de décrire les limites du sujet et, d’emblée, il peut apparaître comme un paradoxe de vouloir trouver une limite à ce que I’on a nommé une mouvance, c’est-à-dire une chose en mouvement, essentiellement fluctuante.
Tentons donc d’expliquer en premier la signification de l’expression « mouvance construite » : c’est en fait une commodité de langage destinée à englober en une formule ramassée une diversité et un foisonnement d’aventures, successives ou contemporaines, relatives à une partie de l’histoire de l’art, elle-même partie de l’histoire de l’abstraction, née au début du siècle, qui, en peinture et en sculpture, a pris diverses voies ; celles qui nous concernent pour la présente exposition ont porté des noms divers : « le suprématisme », « le néo-plasticisme », « le constructivisme », « l’abstraction froide », « l’art concret », « le minimal art » et même « l’art conceptuel », cette liste est, bien sûr, loin d’être exhaustive.
C’est cette variété d’aventures, unies par une familiarité à expliquer, qui constitue la mouvance construite ; ce à quoi elle se réfère couvre quasiment la totalité du 20ème siècle, en effet, depuis quasiment le début de celui-ci existe une expression artistique plastique fondée sur une mise en œuvre de surfaces ou de volumes libérés de toute évocation et de toute suggestion d’image anecdotique, la forme régulée y a sa place dans la pureté et dans l’intensité, à ceci se joignent l’économie des moyens et la simplicité des structures.
C’est pour ne privilégier aucune de ses singularités, et en fait pour affirmer la diversité et la richesse de ces constructeurs, de ceux qui composent et réfutent la pratique bavarde de l’art, qu’a été choisie l’expression « mouvance construite », elle témoigne et de l’appartenance d’individus singuliers et de l’activité elle-même, toujours patiemment développée et toujours en évolution, elle qualifie une pratique désormais indiscutablement historique, mais aussi indéniablement actuelle, d’une valeur que montrera l’exposition.
Tracer des cercles et des carrés n’a, en soi, pas de sens ; ce n’est qu’intégré à une réflexion spirituelle que se crée un langage et que s’impose une nécessité. Détourné de la matérialité anecdotique pour se vouer au plus radical des réalismes, celui qui a choisi comme sujet la structure et l’analyse de celle-ci fait porter son effort sur des valeurs que le temps n’atteint pas.
C’est dans ce fait qu’il faut trouver la raison de la pérennité de l’art d’esprit construit, ainsi que dans la constatation, apparemment simpliste, que construire est toujours construire demain.
Jean-Pierre Maury – 1993
* l’expression en français « mouvance construite » a été forgée par l’auteur vers 1984 et a été reprise ensuite, en Belgique et en France, tant par de nombreux journalistes que par de nombreux galeristes dans les titres qu’ils donnaient à leurs expositions.
Ce texte a été publié in « Radical (1987/1997) », catalogue, Direction des affaires culturelles de la Ville d’Echirolles (F), 09/97
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« L’ATTITUDE COMME ART » – 1994
L’art étant parfois défini comme le moyen d’obtenir quelque résultat par l’effet d’aptitudes naturelles ou cultivées, il n’est pas indifférent de savoir qu’attitude et aptitude ont une étymologie commune.
L’attitude comme seule manifestation extérieure de ses dispositions et de ses intentions, c’est-à-dire comme comportement, ne me semble souvent que vaine si elle n’incarne pas, in fine, en œuvres achevées et maîtrisées, quoique bien sûr susceptibles d’être diversement appréciées.
Loin de moi de discuter la légitimité de la gratuité à ceux qui en ont le goût. Pour ce qui me concerne, l’extériorisation spectaculaire est pourtant hors de mise car, le temps passant, l’éventuelle faveur dont les caprices de la mode et du marché ont pu la faire bénéficier, datera inévitablement. Elle demeurera ainsi prisonnière d’un circonstanciel certes souvent habilement géré, mais peu transmissible dans notre monde d’anecdotes renouvelées, si ce n’est sur le registre de la nostalgie spéculative.
Soucieux de tenter de porter mon effort sur des valeurs que le temps n’atteint pas, l’attitude intérieure est pour moi tout autre chose. Toute activité artistique consciente se fonde sur l’ensemble des jugements et de tendances qui y incitent et qui constituent l’attitude mentale choisie pour le but que l’on se donne. Ainsi, défendant l’idée que la finalité de l’activité artistique est la connaissance, l’attitude y portant naturellement est pour moi de rigueur, d’exigence, voire d’ascèse.
Cette dernière ne se vit pour moi que dans l’atelier, ne nécessite vraiment pas qu’on en parle, mais participe à l’indispensable ancrage spirituel de la pratique sans lequel tracer des cercles et des carrés serait assez dépourvu de sens.
Jean-Pierre Maury – octobre 1994
Ce texte a été publié dans la revue Art & Culture, nov.94, 9ème saison, n°3, à Bruxelles (B), en 1994
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EXPLICATION DROLATIQUE DE LA FIGURE TOTALEMENT 4 x RETOURNABLE, MAIS TOUJOURS IDENTIQUE, AVEC 8 ELEMENTS DIFFERENTS AUTOUR D’UN CENTRE 4 x RETOURNABLE AUSSI
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AU SUJET DE LA MOUVANCE CONSTRUITE (*) ET DE MON TRAVAIL – 1995
Le travail que je poursuis depuis 1968 trouve sa place dans la mouvance construite. Depuis le début du siècle, cette mouvance s’affirme comme la seule aventure plastique résolument nouvelle qui soit historique déjà, mais qui est toujours actuelle.
Je voudrais ici expliquer ce point de vue et définir les limites de ce concept. D’emblée, il peut apparaître comme un paradoxe de vouloir trouver une limite à ce que l’on a nommé une mouvance, c’est-à-dire une chose en mouvement, essentiellement fluctuante.
Tentons donc d’expliquer la signification de l’expression mouvance construite : c’est en fait une commodité de langage destinée à englober en une formule ramassée une diversité et un foisonnement d’aventures successives ou contemporaines relatives à une partie de l’histoire de l’art, elle-même partie de l’histoire de l’abstraction, née au début du siècle, qui, en peinture et en sculpture, a pris diverses voies ; celles qui nous concernent pour la présente exposition ont porté des noms divers : le suprématisme, le néo-plasticisme, le constructivisme, l’abstraction froide, l’art concret, l’art minimal et même l’art conceptuel, cette liste est, bien sûr, loin d’être exhaustive.
C’est cette variété d’aventures, unies par une familiarité à expliquer, qui constitue la mouvance construite ; ce à quoi elle se réfère couvre quasiment la totalité du XXème siècle, en effet, depuis quasiment le début de celui-ci existe une expression artistique plastique fondée sur une mise en œuvre de surfaces ou de volumes libérés de toute évocation et de toute suggestion d « image anecdotique, la forme régulée y a sa place dans la pureté et dans l’intensité, à ceci se joint l’économie des moyens et la simplicité des structures.
C’est pour ne privilégier aucune de ses singularités, et en fait pour affirmer la diversité et la richesse de ces constructeurs, de ceux qui composent et réfutent la pratique bavarde de l’art, qu’a été choisie l’expression mouvance construite, elle témoigne et de l’appartenance d’individus singuliers et de l’activité elle-même, toujours patiemment développée et toujours en évolution, elle qualifie une pratique désormais indiscutablement historique, mais aussi indéniablement actuelle, d’une verdeur qui n’échappera pas aux observateurs impartiaux.
Tracer des cercles et des carrés n’a, en soi, pas de sens ; ce n’est qu’intégré à une réflexion spirituelle que se crée un langage et que s’impose une nécessité. Détourné de la matérialité anecdotique pour se vouer au plus radical des réalismes, celui qui a choisi comme sujet la structure et l’analyse de celle-ci fait porter son effort sur des valeurs que le temps n’atteint pas.
C’est dans ce fait qu’il faut trouver la raison de la pérennité de I’art d’esprit construit, ainsi que dans la constatation, apparemment simpliste, que construire est toujours construire demain.
Au-delà de la pesante matérialité, cette mouvance construite s’ouvre donc vers l’infini de l’esprit et du cœur, tant dans la gratuité et la joie – qui sont les pendants de l’utile – que dans la rigueur et la ferveur qu’implique le fait de s’adonner au langage le plus simple et le plus clair pour moi, celui où il se vérifie que la droite est le plus court chemin vers l’infini et la courbe le plus sûr moyen d’étreindre l’univers.
La mouvance construite, dans ce vaste cadre, me paraît ainsi être au nombre de ces très actuels laboratoires d’idées où se bâtit déjà l’humanisme internationaliste culturel par lequel l’homme du XXIème siècle pourra peut-être espérer échapper à la quotidienneté de l’inéluctable.
C’est bien dans cette perspective que j’ai travaillé de 1968 à 1978 sur six vastes séries de travaux programmés consacrées au langage et s’inscrivant dans l’évolution de cette mouvance. Dans les travaux postérieurs à 1978 se joint à la rigueur, toujours présente, la volonté d’intégrer des composantes nouvelles dans l’exercice de la pratique construite, afin de contribuer tant à sa perpétuation qu’à son renouvellement attendu.
C’est ainsi qu’à la rigueur et aux exigences du travail théorique et pratique de la composition régulée que je mets en œuvre, j’ai ajouté une recherche de pure sensibilité intuitive sur les matières, les couleurs, tentant de cette façon de mettre en scène la plénitude de l’homme – l’aptitude à penser jointe à la capacité d’éprouver.
Ce qui est finalement donné à voir dans mon travail actuel, ce sont des tableaux où d’apparentes sinuosités sont composées à l’aide de seules lignes droites. C’est une démonstration de ce que la rigueur formelle engendre, à elle seule, un ordre de réalité complémentaire. Ce réalisme ajouté, quasi subversion d’un principe de composition minimal, apparemment fermé, n’est pas sans rapport avec l’humour, valeur ajoutée lui aussi, qui transgresse l’anodin ou le tragique pour le rendre supportable.
Dans le même temps, je suis devenu cofondateur et coéditeur de la revue MESURES art international, j’ai eu l’occasion de réaliser plusieurs intégrations à l’architecture, d’organiser des événements, de réaliser des conférences et de publier des textes théoriques tant en Belgique qu’à l’étranger.
Jean-Pierre Maury – 1995
(*) l’expression en français « mouvance construite » a été forgée par l’auteur vers 1984 et a été reprise ensuite en Belgique et en France, tant par de nombreux journalistes que par de nombreux dirigeants de galeries dans les titres qu’ils donnaient à leurs expositions.
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MESURES art international
6ème ÉDITORIAL
Ce texte est l’éditorial de la sixième livraison, en décembre 1995, de la revue « MESURES art international », revue de langue française consacrée exclusivement à l’art d’esprit construit, fondée le 23 janvier 1988 par : Marcel-Louis BAUGNIET, Jean-Jacques BAUWERAERTS, Jo DELAHAUT, Jean-Pierre HUSQUINET, Jean-Pierre MAURY, Victor NOËL et Léon WUIDAR.
Mise en œuvre par un collectif de peintres, sans équipe rédactionnelle permanente, « MESURES » ne fut pas le reflet du regard des commentateurs habituels de l’art, mais le champ d’action des praticiens.
La cinquième livraison de « MESURES » eut lieu en 1990. Vous avez entre les mains la sixième, sortie à la fin de 1995. Pour une publication qui ambitionnait, lors de sa fondation en 1988, de sortir deux numéros par an des explications s’imposent et des excuses se doivent.
Nos excuses, nous les adressons à nos souscripteurs patients qui périodiquement se sont enquis de l’arrivée d’un numéro souvent promis, toujours attendu parce que toujours différé. Nous remercions tous ceux qui ont eu la patience d’attendre et leur donnons ci-dessous les raisons, qu’ils sont en droit de recevoir, d’un retard dont l’étendue aurait pu oblitérer définitivement notre crédibilité si nous n’avions quelques motifs à faire valoir.
Dans la période d’apparente vacance de « MESURES » et de l’équipe qui l’anime, des événements de diverses natures se sont déroulés qui ont pesé de façon importante, déterminante, et parfois irréversible, sur une aventure entreprise dans l’enthousiasme par sept personnes déterminées à donner un écho à l’actualité de la mouvance construite.
Les événements les plus importants sont, comme souvent hélas, les plus tristes : nous avons vu successivement disparaître deux de nos amis dont l’énergie et la sagesse étaient au nombre des forces vives de notre projet. Jo DELAHAUT et, ensuite, Marcel-Louis BAUGNIET nous ont quittés.
Ces pertes dramatiques laissent un vide qu’on ne comblera pas par des mots, aussi l’hommage que nous leurs rendrons sera-t-il constitué seulement d’une série d’illustrations de leurs œuvres qui, éloquemment, montreront quelle fut la valeur et le niveau de leur irremplaçable contribution à un art d’esprit construit pour lequel ils se dévouèrent sans compter, avec la constance de ceux pour qui l’aventure de l’art et la vie se superposent étroitement.
Par ailleurs, dans cette période douloureuse, les animateurs de « MESURES » ne furent pas inactifs, ils poursuivirent individuellement leur travail bien sûr, mais aussi, sous le label de la revue, ils produisirent, en collaboration avec la Fondation PRO, animée par Fré ILGEN, une série d’expositions intitulées « aspects actuels de la mouvance construite internationale » qui, sous des formes diverses, fut montrée dans quatre villes de Belgique. Nous rendrons compte dans ce présent numéro de cette aventure dont la mise en œuvre et la réalisation prirent près de trois ans.
Enfin, pour se tourner vers l’avenir, des constatations s’imposent. Il se trouve que les animateurs de la revue ne sont pas des éditeurs qui se consacrent à la création en fonction du loisir que leur laisse leur activité éditoriale. Il s’avère qu’en fait ces animateurs sont avant tout des gens de création qui ajoutent à leurs nombreuses activités et préoccupations de praticien l’ambition de donner, de façon exigeante, une diffusion aux idées, conceptions et projets d’artistes avec lesquels ils se sentent en phase, voire en familiarité.
De ces constatations des conclusions doivent se déduire : comme il semble que le collectif des éditeurs n’ait plus le temps matériel suffisant pour contribuer à la régularité de la revue avec l’efficacité initiale qu’il pouvait dégager en 1988, comme aussi des questionnements se présentent sur l’adaptation du médium aux perspectives des possibilités technologiques nouvelles, comme, enfin, il faut réfléchir et prendre de la distance pour décider ensemble, les éditeurs de « MESURES » envisagent, après une concertation de la durée de laquelle ils ignorent tout, de vous présenter une ou des versions nouvelles, successives ou simultanées, d’un forum nouveau, mais demeurant indispensable, toujours consacré à l’évolution théorique, aux réalisations et aux projets de la mouvance construite.
Nous en tiendrons nos souscripteurs informés et les remercions d’ores et déjà de la confiance qu’ils nous garderont.
Jean-Pierre Maury – 1995
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A PROPOS DU DESSIN – 1996
Le dessin a toujours eu une place prépondérante dans le travail que je poursuis depuis trente ans, tant dans l’élaboration des formes emblématiques distinctes des travaux programmés réalisés jusqu’en 1978, que dans les développements renouvelés du seul thème que j’explore depuis : le croisement de deux diagonales dans un quadrilatère.
Si c’est ce thème seulement qui m’occupe désormais, cela aurait cependant pu être un autre, mais sans nul doute dans le cadre d’un projet qui lui serait resté le même : la transcription visuelle de la mise en scène d’un ou de plusieurs exemplaires de cet élément plastique minimal choisi et l’observation tant des mutations que des relations nouvelles qu’engendrent des stimulations imaginatives dans une structure référentielle pré-choisie.
Jean-Pierre Maury – décembre 1996
Ce texte est paru dans « Zeichnen Konkret », Bulletin n°7, Galerie St. Johann, Saarbrücken (D) en 1996
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LE MUR
Contribution offerte à un travail présenté par
- Yves L’Hermitte en vue de l’obtention du
grade légal d’architecte
Mur solitaire
pour borner, clore, diviser, contenir, se protéger, se révolter, faire de l’ombre, séparer. mourir, prier
muraille de Chine
mur d’Hadrien
mur d’un orphelinat mur de Berlin,
de la honte ou rempart contre le fascisme
barrage sur le cours d’un fleuve
barricade
des Fédérés
des Lamentations
le côté du mur où on se trouve importe
Murs par quatre
pour abriter
là aussi le côté du mur où l’on se trouve importe
sans abri dans le froid
plus chanceux au chaud
pour l’intimité
le nid
pour conserver et protéger
la chambre froide
la chambre stérile
pour enfermer
prisonnier à l’ombre
de la salle des coffres
Mur pour laisser une marque
Altamira et Lascaux
Le Mexique et Siqueiros tagué
mur de musée
pour une affiche
pour des tableaux
« qu’avez-vous sur vos murs ? » demande le collectionneur de tableaux.
de tous types et de tous genres, toutes les connotations, figurées ou réelles s’offrent au mur
Jean-Pierre Maury – décembre 1996
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SUITE POÉTIQUE,
UNIQUE EXERCICE DE
CETTE NATURE PUBLIE (*)
ARBORESCENCES
« Faunes, vous avez eu votre temps : c’est maintenant avec l’arbre que le poète veut s’entretenir »
Jules Renard
Végétales verticalités
Répétées
Bois vigoureux
Ou roseau penchant
Ponts érectiles
Solides ou chétifs
De la terre au ciel
Tendus
Vers l’avenir
Celui des branches
Mêmes décharnées
Pas celui des racines
Celui qui touche
L’arbre offre l’abri
Flottant dérive
Brûlant féconde
Dense sens.
Architecture
En marche
Fouillis sylvestres
Renouvelés
Paradoxaux élans
Du nadir au zénith
Par l’enchevêtrement
L’arabesque
Le signe et le touffu
Coupe claire
Ponctuations du ciel
Coupe sombre
Labyrinthes
Où se perdre
Dans la foule
D’innombrables espèces
Denses essences
Rythmique Afrique
En brousse
Ou en boucle
Mémoire emportée
Espaces reconstruits
Paysages scandés
Noir blanc
Blanc noir
L’ordre du vivant
Impérieux
Est né sans doute là
Rumeurs et ramures
Associées
Souvenirs persistants
Vêtures caduques
Nu ou feuillu
Danse ce sens
Et l’œuvre
Avant tout composer
Quasiment sculpter
Un arbre archétypal
Comme certains
Tailleraient une pierre
Patience à la table
Du plomb
Dans du bois parfois
Des autres feuilles
Acharnement patient
La mine à la main
Poids du graphite
Arbre fossile
Qui avait le temps
Mais légèreté
Dense aisance
Jean-Pierre Maury
2001
(*) in « De terres en ciels », de Renée Demeester, sept dessins accompagnés d’un poème de Jean-Pierre Maury. Ed. Quadri à Bruxelles.
Ce livre a été édité à l’occasion de l’exposition de Renée Demeester « Entre terres et ciels » à la Galerie Quadri au mois de décembre 2001. D’après une maquette améliorée par Michel Olyff, cet ouvrage a été imprimé sur papier Rives Traditions. Le tirage limité à 99 exemplaires numérotés et signés par les auteurs constitue l’édition originale.
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LA REVUE « MESURES ART INTERNATIONAL »
ET LA MOUVANCE CONSTRUITE – 2008
texte de l’exposé présenté le jeudi 6 mars 2008 par Jean-Pierre Maury devant la Classe des Beaux-Arts de l’Académie Royale de Belgique
Mesdames, Messieurs,
Je tiens en premier lieu à vous remercier de cette invitation qui m’honore et de l’intérêt dont vous témoignez ainsi pour l’aventure d’une revue et pour son objet particulier.
La revue dont question porte pour nom « MESURES art international », son objet était la « Mouvance construite ». Je me dois donc successivement de vous exposer l’historique de cette publication et de préciser ce qu’est cette « Mouvance construite ».
L’origine de cette publication remonte à plus de vingt ans, C’est en novembre 1987 que les Editions Heads end Legs, animées par Jean-Pierre Husquinet, publièrent un portfolio, tiré à 30 exemplaires, intitulé « Constructivistes Belges ». Ce portfolio contenait une œuvre de chacun des artistes suivants : Marcel-Louis Baugniet, Jo Delahaut, Jean-Pierre Husquinet, Jean-Pierre Maury, Victor Noël, Luc Peire et Léon Wuidar, il était préfacé par Fré Ilgen et fut présenté à la Galerie Excentric à Liège. C’est ainsi que fut créé un contact déterminant entre des artistes qui certes se connaissaient déjà, mais n’avaient pas songé auparavant à fédérer leurs efforts.
En effet, moins de deux mois plus tard, le 23 janvier 1988, six des protagonistes de « Constructivistes Belges », auxquels s’était joint Jean-Jacques Bauweraerts fondèrent la revue « MESURES art international ». A ce stade de l’exposé, il est indispensable de préciser que le termes « Mesures » n’a servi qu’à intituler une revue et que, jamais, les fondateurs de ladite revue ne se sont considérés comme les membres d’un groupe, « groupe » au sens où existèrent des groupes d’artistes aux pratiques délibérément convergentes, les nôtres demeuraient autonomes.
Mise donc en œuvre par un collectif de peintre, qui comprenait Marcel-Louis Baugniet, Jean-Jacques Bauweraerts, Jo Delahaut, Jean-Pierre Husquinet, Victor Noël, Léon Wuidar et moi-même, sans équipe rédactionnelle permanente, « MESURES » n’entendait pas être simplement une revue de plus sur le marché déjà étendu des publications relatives à l’art, mais voulait être une revue autre et singulière, vouée à rendre compte de la vivacité et de la verdeur de l’art d’esprit construit, se refusant à être le reflet du regard des commentateurs habituels de l’art, mais revendiquant d’être le champ d’action de praticiens convaincus que, désormais, il était capital de joindre à l’exercice de leur savoir-faire la pratique d’un faire-savoir indispensable et attendu.
Ainsi « MESURES » allait devenir le lieu de rencontre des constructeurs, des acteurs de la mouvance construite, et allait donc ouvrir ses pages à ceux qui, partout dans le monde, œuvraient animés par l’esprit de structure, qu’ils soient artistes, animateurs de lieux ou de publications, organisateurs d’événements, collectionneurs, etc. ..
Très vite, l’équipe singulière, représentative de toutes les générations ayant œuvré dans la mouvance construite, s’organisa, la collégialité serait la règle, et se partagea la tâche selon les disponibilités, les envies et les compétences de chacun.
Delahaut avait proposé comme titre « ARTNET », mais c’est le titre « MESURES », trouvé par Wuidar qui fut retenu, convaincu de l’utilité d’une ouverture marquée sur l’étranger, je suggérai d’y joindre « art international », Wuidar conçut la couverture ainsi que le logo de la publication et se chargerait de la mise en page, Husquinet allait superviser tous les problèmes techniques et assurer l’impression de la sérigraphie originale insérée dans chaque exemplaire, pour ma part je me chargeai de rédiger les éditoriaux et de mettre en forme l’agenda illustré qui allait annoncer gratuitement toutes les exposition relatives à l’art d’esprit construit.
Ainsi donc les caractéristiques techniques et matérielles de la revue furent-elles rapidement établies, elle se présenterait sous une farde rigide sérigraphiée, le format de celle-ci serait de 32 par 24 centimètres, elle comporterait 32 pages (40 à partir du n°3), elle serait illustrée en noir et blanc et tirée à 250 exemplaires numérotés. Outre cela il fut d’emblée décidé qu’une sérigraphie originale non signée serait insérée dans chaque exemplaire, les auteurs de ces sérigraphies furent, dans l’ordre : Sol Le Witt, César Domela, Jo Delahaut, Marcel-Louis Baugniet, François Morellet et Luc Peire ; une seconde sérigaphie originale, partagée et cosignée par les éditeurs fut insérée dans le tirage exceptionnel de 25 exemplaires supplémentaires du n°6 de la revue, ces exemplaires furent numérotés de I à XXV et constituent à ce jour l’ultime livraison de la revue, le tiré à part exceptionnel portant les signatures de J.-J Bauweraerts, J.-P. Husquinet, J.P. Maury, V. Noël et L. Wuidar.
Pour être complet quant à la description des différentes livraisons de la revue, il convient de préciser que des variantes de couleur distinguent les couvertures sérigraphiées de motif identique de deux en deux livraisons, pour les deux premières les couvertures sont de L. Wuidar, les troisième et quatrième sont de J.-P. Husquinet, enfin les deux dernières sont de J.-J Bauweraerts. Ajoutons mêmes que trois bulletins d’abonnement furent imprimés, les premières pages de ceux-ci furent respectivement créées par L. Wuidar, J.-P. Husquinet et J.-J Bauweraerts.
Le premier numéro de la revue allait sortir en juin 1988. Pour mener à bien ce projet, nous prîmes l’habitude de nous réunir chez Delahaut. Durant un peu plus de trois ans, les choix de publications comme les orientations de diffusion et les activités et actions labellisées « MESURES » furent décidées dans l’enthousiasme cimenté par tant par l’estime et l’amitié que par le sentiment de l’utilité et de la pertinence de l’aventure, ancrant ainsi l’aventure de « MESURES » dans la préoccupation de stimulation constante de la mouvance construite internationale qui allait être sa marque.
En effet, présentant des œuvres originales, des artistes, des textes inédits, des notices biographiques, un agenda illustré se voulant en quelque sorte les annales des manifestations de la mouvance construite, des informations sur l’actualité des manifestations et des publications dédiées, partout dans le monde, à l’art d’esprit construit, ouverte, dans la même perspective, aux problèmes de l’architecture et de l’urbanisme, s’offrant à être le lieu d’éventuelles polémiques, les animateurs de la revue « MESURES » pensaient bien contribuer au labeur incessant des constructeurs.
Comme il fut à l’époque décidé que la revue serait diffusée par abonnement, c’est-à-dire précisément par souscription à deux numéros, il a fallu pour en assurer une bonne diffusion, au delà des carnets d’adresses de chacun, se déplacer et être activement présent, en Belgique et à l’étranger, à l’occasion de foires, d’expositions internationales ou de colloques consacrés à l’art construit où des petits stands furent gracieusement mis à notre disposition dans notre quête de souscripteurs.
Ces voyages et les contacts qu’ils ont engendré ont contribués à la vérification de l’intuition à l’origine de l’aventure « MESURES » : en effet, il s’est bel et bien confirmé que l’art d’esprit construit était non seulement bien vivant, mais en plein renouveau et qu’il abordait des problématiques de nature fondamentale avec une totale liberté, affranchi d’un formalisme de surface dont d’aucuns avaient pu lui faire grief.
C’est ainsi que, générés par l’existence même de la revue, les contacts nombreux développés par ses animateurs les conduisaient à la réconfortante certitude que, partout, alors des individualités s’investissaient profondément dans la poursuite d’une recherche dont résultaient des œuvres passionnantes et variées, témoignant tant de la force injectée déjà par les illustres devanciers que du renouveau qu’un sang neuf amène.
A la fin de 1988 eut lieu, sur une proposition de Michel Clerbois, l’exposition « Identification III » à la Salle Allende à l’Université Libre de Bruxelles, à l’occasion de cette exposition de Jean-Jacques Beauweraerts et de moi-même, trois revues, consacrée à la mouvance construite et fondées par des plasticiens, étaient présentées au public, « Constructivist Forum,[1]
, « MESURES art international » et « PRO », cette présentation était accompagnée d’un accrochage d’œuvres des fondateurs des trois revues. L’année suivante, chez Robert Premsela à Amsterdam, les revues « MESURES » et « PRO », étaient présentée conjointement, là encore en même temps que quelques œuvres des fondateurs.
C’est de cette façon que se sont notablement développées les relations privilégiées qu’entretenaient déjà certains des fondateurs de « MESURES » avec la Fondation PRO, celle-ci, sous l’impulsion de son infatigable président Fré Ilgen [2]
, œuvrait dans le même sens que nous. Les contacts que nous avons eus nous ont fondés à élargir nos activités et à ainsi ponctuellement organiser des événements, sous le label de « MESURES », telle la partie belge de la tournée en Europe de Charles Biederman, initiative de la Fondation PRO ou la série des quatre expositions intitulées « Carte Blanche à Mesures », qui se sont tenues à la Galerie Cogeime à Bruxelles, grâce à la bienveillance agissante d’Ivan Lechien qui nous accorda sa confiance[3].
C’est de toutes ces activités, brièvement évoquées ci-dessus, activités de la revue en tant que telle et activités en marge de celle-ci, mais ayant eut lieu sous son nom, que les expositions « Aspects Actuels de la Mouvance Construite Internationale »[4]
ont voulu témoigner en en réunissant tous les protagonistes en 1993 et 1994. Ces expositions, dont Fré Ilgen et moi-même assurèrent la coordination, furent une initiative des « Amis des Musées de Verviers ».
Enfin, en 2004, à l’invitation de Dominique Szymusiak, Conservatrice du musée départemental Matisse, une présentation de la revue eut lieu au Cateau-Cambrésis au Musée Matisse. Cette manifestation était un modeste contrepoint à l’exposition consacrée à la revue « Vouloir » qui, à Lille autour de 1925, fut, à l’initiative d’artistes aussi, le lieu d’émergence d’une modernité novatrice et radicale. La présentation de « MESURES » et de nombreux documents fut l’occasion d’un accrochage montrant les œuvres d’un certain nombre d’artistes impliqués dans l’aventure de la revue[5].
De 1988 à 1994, six numéros de la revue ont été publié, il ne fut jamais dit du sixième qu’il serait le dernier. Trois des sept protagonistes de l’aventure sont décédés. A ce jour, nul ne sait si « Mesures » renaîtra, ni sous quelle forme. Une revue « papier », des DVD, une présence sur le Web, des activités événementielles liées à son propos, tout est possible, rien n’est annoncé !
Sans préjuger donc de l’avenir, le passé de la revue peut être retrouvé, bien illustré, sur le site suivant : http://monsite.wanadoo.fr/mesures/
Il me faut maintenant préciser ce qu’est cette « Mouvance construite », largement évoquée dans les lignes qui précèdent.
C’est vers 1984 que j’ai forgé l’expression « Mouvance construite » celle-ci a été reprise ensuite, en Belgique et en France, tant par de nombreux journalistes que par de nombreux dirigeants de galerie dans les titres qu’ils donnaient à leurs expositions. L’avant-propos que j’avais rédigé pour le catalogue « Aspects Actuels de la Mouvance Construite Internationale » édité par les « Amis des Musées de Verviers » en 1993 contient une explication détaillée de ce concept que je reprendrai ici.
Pour ce faire, il parait important de décrire les limites du sujet et, d’emblée, il peut apparaître comme un paradoxe de vouloir trouver une limite à ce que l’on a nommé une mouvance, c’est à dire une chose en mouvement, essentiellement fluctuante.
Il faut donc tenter d’expliquer en premier la signification de l’expression « mouvance construite » : c’est en fait une commodité de langage destinée à englober en une formule ramassée une diversité et un foisonnement d’aventures, successives ou contemporaines, relatives à une partie de l’histoire de l’art.
Cette partie de l’histoire de l’art est elle-même une partie de l’histoire de l’abstraction. Celle-ci est née au début du siècle, en même temps à Munich, avec Kandinsky, à Moscou, avec Larionov, à Paris, avec Delaunay, Picabia, Kupka …
L’abstraction en peinture, et en sculpture, a pris diverses voies, celles qui concernaient les fondateurs de « MESURES » et bon nombre de leurs collègues ont porté des noms divers : « le suprématisme », « le néo-plasticisme », « le constructivisme », « l’abstraction froide », « l’art concret », « le minimal art » et même « l’art conceptuel », cette liste est, bien sûr, loin d’être exhaustive. Se sont trouvés concernés, dans cette perspective aussi, des mouvements variés tels que « Blok », en Pologne, « De Stijl », aux Pays-Bas, « Cercle et Carré », « Abstraction-Création » en France, etc …, la liste n’est pas complète non plus, tant s’en faut.
C’est cette variété d’aventures, unies par une familiarité à expliquer, qui constitue la mouvance construite ; ce à quoi elle se réfère couvre quasiment la totalité du 20ème siècle.
En effet, depuis quasiment le début de celui-ci existe une expression artistique plastique fondée sur une mise en œuvre de surfaces ou de volumes libérés de toute évocation et de toute suggestion d’image anecdotique, la forme régulée y a sa place dans la pureté et dans l’intensité, à ceci se joint l’économie des moyens et la simplicité des structures.
Ce qui précède est la très sommaire description matérielle des éléments d’une convergence envisagée le plus largement.
Cette convergence unit en une familiarité de fait des mouvements et des hommes que séparent et opposent même, parfois, les nuances affirmées de leurs singularités.
C’est pour ne privilégier aucune de ses singularités, et en fait pour affirmer la diversité et la richesse de ces constructeurs, de ceux qui composent et réfutent la pratique bavarde de l’art, qu’a été choisie l’expression « mouvance construite », elle témoigne et de l’appartenance d’individus singuliers et de l’activité elle-même, toujours patiemment développée et toujours en évolution, elle qualifie une pratique désormais indiscutablement historique, mais aussi indéniablement actuelle, d’une verdeur que montre la diversité des approches et des résultats constatés.
N’avoir évoqué qu’au plan de sa matérialité convergente une aventure artistique ne fonde que fort peu celle-ci, si un constat d’accord peut s’établir sur ce à quoi ressemble les œuvres de la mouvance construite, un fondement plus fort est à exprimer au delà du seul formalisme.
Tracer des cercles et des carrés n’a, en soi, pas de sens ; ce n’est qu’intégré à une réflexion spirituelle que se crée un langage et que s’impose une nécessité. Détourné de la matérialité anecdotique pour se vouer au plus radical des réalismes, celui qui a choisi comme sujet la structure et l’analyse de celle-ci fait porter son effort sur des valeurs que le temps n’atteint pas.
C’est dans ce fait qu’il faut trouver la raison de la pérennité de l’art d’esprit construit, ainsi que dans la constatation, apparemment simpliste, que construire est toujours construire demain.
Au delà donc de la pesante matérialité, la mouvance construite s’ouvre donc vers l’infini de l’esprit et du cœur, tant dans la gratuité et la joie – qui sont les pendants de l’utile -, que dans la rigueur et la ferveur qu’implique le fait de s’adonner au langage le plus simple et le plus clair, celui où il se vérifie que la droite est le plus court chemin vers l’infini et la courbe le plus sûr moyen d’étreindre l’univers.
Pour ces raisons, sommairement exposées, la mouvance construite peut affronter la durée, en dépit des éphémères caprices de la mode, avatars de la loi du marché. Certes la mouvance construite dure en ce sens que les œuvres originelles qui l’ont fondée existent toujours, mais aussi elle dure en ce sens que jamais ne s’est tari le souffle des acteurs. Ceux-ci ont renouvelé, remodelé sans cesse le propos et, sans doute parce qu’il est le plus fondamental, le sujet s’est montré, par les œuvres qu’il générait, le plus vivant.
Cependant, la mouvance construite n’a pas été de façon permanente à l’avant-scène de l’activité artistique, il s’en faut de beaucoup, et, si sa pérennité parait assurée pour les raisons évoquées plus haut, son importance circonstancielle a connu des hauts et des bas, alternance de faveur et de désintérêt, qu’il faudra évoquer avant d’en venir aux constatations qui permettent d’évoquer aujourd’hui un renouveau.
Les activités humaines s’inscrivent d’une façon générale dans un cadre économique, l’activité artistique ne dément pas cette assertion en tant que l’art s’inscrit dans un marché qui, pour se perpétuer, engendre des nouveaux flux de marchandises qui sont autant d’offres nouvelles pour créer des demandes nouvelles, c’est en se sens qu’il était dit plus haut que les caprices de la mode sont les avatars de la loi du marché.
Ceci est une composante, elle n’est pas exclusive, le mouvement même des idées, les replis et les abandons ont leur place dans cette réflexion. Il faut bien considérer que la mouvance construite a indéniablement forgé le langage plastique de la civilisation où nous vivons aujourd’hui, il faut voir le mobilier, le design, l’architecture, la typographie, la publicité, l’habillement … – c’est indéniable. Dans cette mesure, les retours à la figuration, ou à ce que Jo Delahaut nommait « des demi-mesures, peintures gestuelles, tachistes ou instinctives », tels qu’on les a connus vers 1926, en 1932, en 1960 et au début des années 80, même s’ils fournissent parfois d’estimables apports, n’apparaissent que comme le signe de temps de repli ou de fatigue, de renoncement ou de facilité, où la séduction parfois réelle ne peut, sur la distance, tenir lieu de conviction.
Etablir des concordances entre les dates évoquées ci-dessus et les événements de l’histoire ne serait pas sans enseignement, mais cet exposé veut se centrer sur l’état actuel et sur les perspectives de la mouvance construite.
Partout des individualités s’investissent profondément dans la poursuite d’une recherche dont résultent des œuvres passionnantes et variées, témoignant tant de la force injectée déjà par les illustres devanciers que du renouveau qu’un sang neuf amène.
Comme dresser un catalogue d’œuvres nouvelles, catalogue forcément arbitraire, limité et incomplet, ne suffirait pas, il faut mettre en avant la spécificité de nouvelles attitudes qui se développent ainsi que des événements révélateurs récents tels que la naissance de revues, revues consacrées à l’art d’esprit construit, de sites électroniques remarquables et l’organisation de vastes rencontres pluridisciplinaires, partout en Europe et dans le monde, où plasticiens et scientifiques, sociologues et philosophes, proposent à la réflexion du public les perspectives et les attitudes qu’offrent, et impliquent, tant les nouvelles technologies que la nécessité, par exemple, de repenser les espaces urbains.
Enfin, c’est aussi, et surtout, de l’exercice de la liberté, s’opposant au chaos pour stimuler l’ordre à venir fonder sur la connaissance et la logique, ce en vue d’un approfondissement et d’un enrichissement spirituel de l’homme, s’aidant de l’art pour éclairer le monde, que proviendra le meilleur de ce qu’apportera le nouvel élan acquis.
Je veux croire ici que la mouvance construite, dans ce vaste cadre, paraîtra être au nombre des utiles et potentiels acteurs de ces nécessaires laboratoires d’idées où se bâtit déjà l’humanisme internationaliste culturel par lequel l’homme du XXIème siècle échappera à la quotidienneté de l’inéluctable.
Ceci, en tous cas, me fonde à continuer à peindre …
Je vous remercie de votre attention.
Annexes
Contenus des différentes livraisons de « MESURES art international »
Contenu du n°1 (juin 1988) : (épuisé)
Editorial / Jo DELAHAUT, Pérennité de l’Art Construit / V. et F. MOLNAR, Mesure, géométrie, science de l’art / Walter LEBLANC, texte inédit / Albert RUBENS, trois projets de travail / Jürgen BLUM, « Null Dimension » / Manfred MOHR / Andreas BRANDT / Uwe KUWIAK / 3 aphorismes de François JACQMIN illustrés par Jo DELAHAUT / Agenda / Notices biographiques.
Ce numéro était rehaussé d’une sérigraphie originale de Sol LE WITT.
Contenu du n°2 (décembre 1988) : (épuisé)
Editorial / César DOMELA, Aperçus de l’art moderne / Aurelie NEMOURS, texte inédit / par Ben DURANT : Marcel-Louis BAUGNIET / Luc PEIRE, Le Groupe « MESURE » / Amédée CORTIER / Léon WUIDAR, FTZ, Darmstadt, RFA / Gunther WOLF / Francesco SOTO MESA / Gilbert DECOCK / Agenda / Notices biographiques.
Ce numéro était rehaussé d’une sérigraphie originale de César DOMELA.
Contenu du n°3 (juin 1989) :
Editorial / Dirk VERHAEGEN, texte inédit / Jean-Pierre MAURY, Premiers prolégomènes à une déclaration sur l’intégralisme / Hommage à MALEVITCH, accompagné d’un texte de Marcel-Louis BAUGNIET / Ben DURANT, La Belgique et l’Est de l’Europe – 1914-1928 / Ernest EDMONDS, Vers « Video Constructs » / Agenda / Notices biographiques.
Ce numéro était rehaussé d’une sérigraphie originale de Jo DELAHAUT.
Contenu du n°4 (avril 1990) :
Editorial / Nausica PASTRA, Les Analogiques : Méthode et Relation / Hartmut BÖHM, sélection de textes / Charles BEZIE, texte inédit / Ben DURANT, Bruxelles-Moscou (1914-1926) / Hommage à Henryk STAZEWSKI / Henri GABRIEL / Antonia LAMBELE / Agenda / Notices biographiques.
Ce numéro était rehaussé d’une sérigraphie originale de Marcel- Louis BAUGNIET.
Contenu du n°5 (mars 1991) :
Editorial / Fré ILGEN, Moscou ’90 / Yuri AVVAKUMOV, Architecture de papier / Jean-Pierre MAURY, Détente internationale – Une relecture de l’histoire / Waldo BALART, Le sens constructif de la créativité / Jean-Pierre HUSQUINET, Conception-Evolution / Nic JOOSEN, Plan et encadrement / Jaak Vuylsteke / François MORELLET, Sunset at sea / Carte blanche à « MESURES » / Agenda / Notices biographiques.
Ce numéro était rehaussé d’une sérigraphie originale de François MORELLET.
Contenu du n°6 (février 1994) :
Editorial / Hommage à Jo DELAHAUT / Jaak VUYLSTEKE, Relations / Bob VERSCHUEREN, texte inédit / Claude DORVAL, le mouvement MADI / Sigurd ROMPZA, Le langage pictural à l’épreuve / Michael KIDNER, texte inédit / Agenda / Notices biographiques.
Ce numéro était rehaussé d’une sérigraphie originale de Luc PEIRE.
Contenu du n°6 spécial (février 1994) :
Même contenu que le n°6, en plus est insérée une sérigraphie originale, partagée et cosignée par J.-J Bauweraerts, J.-P. Husquinet, J.P. Maury, V. Noël et L. Wuidar.
Notes
[1] La revue « Constructivist Forum – International Art Magazine , animée par Nathan Cohen et Tim Johnson a été publiée pour la première fois en 1985. Elle était destinée à offrir une plate-forme pour la diffusion des idées et des informations aux artistes travaillant au niveau international dans le champ systématique et construit.
[2] Fré ilgen, artiste hollandais, né en 1956 à Winterswijk (NL). Tout en poursuivant le développement de ses propres recherches de plasticien, Fré Ilgen fondateur et président de la Fondation Internationale PRO et éditeur de la revue du même nom, assisté de son épouse Jacqueline, organisa de très nombreuses rencontres, des conférences et des expositions dans le but de stimuler sans cesse le développement de la mouvance construite internationale. Son rôle irremplaçable d’animateur fut déterminant à la fin des années 80 et durant la première moitié des années 90 pour fédérer des liens féconds entre de très nombreux artistes et pour susciter des actions qui firent date.
[3] Ces expositions « Carte Blanche à Mesures » furent au nombre de quatre et eurent lieu à la Galerie Cogeime de mars à juin 1990. La première de celle-ci était sous-titrée « 2 revues « MESURES a.i. » & « PRO » et leurs fondateurs », y étaient présentées des œuvres de M.-L. Baugniet, J.-J. Bauweraerts, J. Delahaut, J.-P. Husquinet, F. Ilgen, J.-P. Maury, V. Noël, L. Wuidar ; la deuxième présentait les travaux de F. Ilgen (NL) et de S. Rompza (D), et une sélection d’oeuvres de J.-J. Bauweraerts, J. Delahaut, J.-P. Husquinet, W. Leblanc, A. Rubens, D. Verhaegen ; la troisième présentait les travaux de H. Böhm (D) et de W. Leblanc et une sélection d’oeuvres de J.-J. Bauweraerts, G. Decock, J. Delahaut, F. Ilgen (NL) et de G. Vandenbranden ; la quatrième était, sous-titrée « Aspects de la Mouvance Construite Internationale », présentait des œuvres de W. Balart (E), M.-L. Baugniet, J.-J. Bauweraerts, C. Bézie (F), H. Böhm (D), N. Cohen (GB), G. Decock, J. Delahaut, J. Dubois, P. Horvath, J.-P. Husquinet, F. Ilgen (NL), T. Johnson (GB), M. Jouët (F), A. Lambelle, W. Leblanc, Y.H. Lee (K), J.-P. Maury, M. Meunier (L), V. Molnar (F), A Nemours (F), L. Peire, Y. Popet (F), H. Prosi (F), S. Rompza (D), A. Rubens, G. Vandenbranden, M. van der Made (NL), H. Van Sumere, D. Verhaegen, N. Vermeulen, J. Vuylsteke et L. Wuidar.
[4] Il y eut quatre expositions intitulées « Aspects Actuels de la Mouvance Construite Internationale », la première eut lieu en 1993 au Musée des Beaux-Arts de Verviers, tandis que la deuxième, consacrée aux éditions et aux magazines fut présentée au Centre de la Gravure et de l’Image Imprimée à La Louvière, l’année suivante l’exposition fut accueillie au Centre Culturel Jacques Franck à Bruxelles, tandis que, un peu plus tard, sous le titre « Aspekten van de Hedendaagse Constructieve Beweging », les sections consacrées au peintres étaient montrées à Anvers au Koninklijk Museum voor Schone Kunsten van Antwerpen / ICC. Outre les artistes cités dans la note précédente, les artistes suivants prirent part à la section de l’exposition intitulée « Mesures a.i. et ses amis » : Y. Avvakumov (CEI), C. Biederman (USA), G.J. Blum-Kwiatkowski (PL), J. Carter (GB), A. Cortier, C. Domela (NL), J.-F. Dubreuil (F), E. Edmonds (GB), H. Gabriel, N. Joosen, M. Kidner (GB), S. Le Witt (USA), M. Mohr (D), N. Pastra (GR), H. Stazewski (PL), B. Verschueren. La section intitulée « PRO Verviers » présentait les artistes suivants : M. Bette (D), P. Halley (USA), F. Ilgen (NL), M. Kidner (GB), J.-P. Maury, F. Morellet (F), S. Rompza (D), P. Suter (CH). Enfin, la section « Editions-Magazines » présentait : « B4 Publishing » (GB), « Beau-House », « Editions Cyan », « Atelier-Editions Fanal » (CH), « Editions Heads & Legs », « Edition & Galerie Hoffmann » (D), « Galerie & Editions Lahumière » (F), « Galerie & Editions Quadri », « Fausta Squatriti Editore » (I), « a.s.b.l. Tandem », « Constructivist Forum » (GB), « I.C.S.A.C. », « MESURES art international » et « Fondation PRO » (NL).
[5] Pour illustrer la présentation de la revue « MESURES art international » au Musée Matisse, une sélection de huit oeuvres d’artistes ayant participé aux activités de la revue fut présentée. Il s’agit des oeuvres de : Jo Delahaut, John Carter, Frè Ilgen, Michael Kidner, Walter Leblanc, Jean-Pierre Maury, Vera Molnar et Sigurd Rompza.
TXT 2013001
SURVOL D’UNE PRATIQUE – 2013
Sur des formats carrés, rectangulaires ou circulaires.
A l’acrylique ou à l’encre, à main levée le plus souvent.
Considérant en seul motif le croisement basique de deux lignes diagonales dans un ou des quadrilatères jointifs.
Se lancer, décidé, et puis s’user à calculer et tracer.
Déformer sans peur, écraser sans crainte, quitter l’orthogonalité délibérément, inverser plans et plages, trancher dans ceux-ci, à vif même.
Pencher à droite, s’adosser pour la verticalité et pencher à gauche.
Epaissir et amincir aux convergences, ne parfois toucher à rien.
Faire onduler lignes et réseaux assouplis.
Galber et étirer.
Retourner et changer de sens.
Dérouter les niveaux. Découper, comme toujours depuis plus de quarante ans, quasi taille directe de la ou des couleurs, renouer avec le désordre et s’en remettre au hasard pour amonceler, modifier des éclairages et les figer en les juxtaposant en d’improbables rendus.
Subvertir les horizons.
Rester dansant.
Avoir l’humeur critique, la main audacieuse et l’ascèse joyeuse.
Chercher la lumière, vouloir élucider, oser, tout s’autoriser sans pour autant se permettre n’importe quoi. S’émanciper et s’affranchir en une lente patience acharnée.
Avec le même matériel … tenter encore et toujours l’au delà d’un visuel attendu et convenu pour ajouter des clés au trousseau du visible.
Jean-Pierre Maury – 2013
Ce texte, publié dans le catalogue « JEAN-PIERRE MAURY / collection mathy-gallot » édité par le Musée de Cholet (F) en 2018, est la seconde version, revue et complétée, d’un document diffusé lors de l’exposition « Stabilités indécises » qui eu lieu en 2011, à la Galerie Quadri, à Bruxelles (B). Cette version revue a également été publiée dans le catalogue de l’exposition » géométrie plurielle » en 2014, à la Galerie Saint-Jacques, à Saint-Quentin (F).
TXT 2020001
INTENTIONS D’ATELIER – 2020
« Le fond de la lettre »
Après avoir, peut être inconsidérément, choisi de renoncer à l’exercice d’une pratique qui m’a occupé pendant plus de cinquante ans, l’idée taraudante de m’y remettre s’est imposée insidieusement à moi
Mettre en œuvre ce nouveau développement est et sera impacté tant par la matérialité d’un état de santé que par la volonté d’ignorer celui-ci, par une stratégie discrète de contournement, réconfortante et motivante.
Pour ce faire, je suis revenu sur un projet ancien, intitulé « Résolution plastique de clauses contradictoires ». Je le reprends et entends l’amplifier aujourd’hui, les nouvelles technologies m’y aident.
Pourquoi reprendre un travail de 1972 ?
Ce type de travail, déjà intitulé à l’époque « Résolution plastique de clauses contradictoires », m’a occupé durant près de trois ans, ce parallèlement aux autres travaux que je poursuivais alors sur des ensembles programmés d’une toute autre nature.
Un nombre assez important d’œuvres de ce type fut réalisé sur des supports variés, elles sont dans des collections privées, l’une est même au Musée de Cholet… Le temps de deux saisons des œuvres de ce types furent présentées en expositions, en Belgique et à l’étranger, une œuvre monumentale, aujourd’hui détruite, fut réalisée pour une banque, en outre le travail fut documenté et analysé par un sémiologue réputé.
Alors qu’aujourd’hui, en 2020, je ne peux plus peindre en raison de problèmes de vue, je dois oublier les outils traditionnels du peintre, et donc en trouver ou en inventer d’autres.
Il m’est ainsi venu qu’en utilisant toutes les ressources d’un traitement de texte, je pouvais ressusciter une forme d’aisance pour développer des choses certes anciennes, mais insuffisamment explorées alors, avec précision et rapidité … Je vois cela comme un nouvel élan irrépressible.
Ce qu’est ce travail de « Résolution plastique de clauses contradictoires » ?
Ce travail est l’ensemble des réalisations diverses qui résultent de la mise en œuvre simultanée d’éléments d’écriture (textes) et de plasticité (fonds colorés), ces éléments étant liés par la nécessité qu’implique la pertinence de leur coexistence.
Pour chaque tableau envisagé, deux phrases présentent deux énoncés distincts. Chacun de ces énoncés est en mode apparemment simplement déclaratif : en fait, chacun est conçu tel qu’ils s’avéreront faussement descriptifs dans toute autre situation qu’inscrits sur un support particulier.
Ce support particulier, le fond, est de la teinte résultant du mélange des deux couleurs évoquées dans les deux phrases.
En résumé, ces deux phrases ne peuvent former un discours complet et valide que seulement en relation avec la couleur du fond.
Dans ces tableaux, les deux textes et la couleur du fond, qui y est associée, forment un signe unique, pertinent et, je dirais même, irréprochable.
Textualité et plasticité s’appuient donc mutuellement, deviennent en quelque sorte consubstantielles.
L’usage, sans contrainte, de couleurs de lettres, de polices de caractères variées ou de langues même, enrichira le travail, le laissant, en dépit du caprice ou d’un projet formulé, tout aussi irréprochable, au sens défini plus haut.
Pour le nom générique de ces travaux, je remplacerai le fort éventuellement rébarbatif « Résolution plastique de clauses contradictoires » par « Le fond de la lettre », illustrant ainsi, de façon lapidaire, le lien original entre texte et support.
Jean-Pierre Maury – 29 février 2020
TXT 2010001
LEXIQUE DES ABREVIATIONS PROPRES A J.P. MAURY – 2010
- Appellations du titrage des travaux dans l’inventaire :
AAP série «arts appliqués»
AFF affiche
BIN reliure
CDV carte de voeux
COL collage
DES dessin
EPR ensemble / composition programmée
INT intégration à l’architecture
MDF peinture sur MDF
MUL multiple
MPM Maury pas Maury (travail d’inspiration par un tiers)
OUI ouvrage illustré
PEI peinture
PPA peinture sur papier
REL relief
REM « remasterisation » (travail ancien revisité)
RPC résolution plastique de clauses
SCH schéma de composition programmée
SCU sculpture
SIN soft ink (encre sur support mouillé)
Le titrage des œuvres est le résultat d’une volonté, née en 2010, de lisibilité et d’unification des identifications des travaux. C’est à ce moment qu’à été créée la banque de données constituant l’inventaire évolutif du travail poursuivi depuis les années 60.
Les modalités d’attribution de titres aux divers travaux, développées depuis 2010, ont généré des appellations diverses nouvelles qui remplacent dans l’inventaire, sans les démentir pour autant, toutes les mentions anciennement portées sur les œuvres.
Chaque travail est généralement référencé par trois lettres et sept chiffres : exemple : XXX 0000000
les trois lettres indiquent la catégorie du travail considéré :
un ensemble programmé = EPR, un travail exécuté sur MDF = MDF, un dessin = DES …
les quatre premiers chiffres renseignent eux sur l’année d’exécution (parfois différente de celle de conception),
les trois derniers correspondent à partir de 2011 au numéro d’ordre dans l’année pour la catégorie considérée.
Pour les œuvres antérieures à cette date, ils correspondent à l’ordre d’entrée dans l’inventaire.
Ainsi, à titre d’exemple, l’intitulé « DES 2001006 » doit être compris comme l’appellation du sixième travail de type « dessin » exécuté en 2001.
- Appellations pour la chronologie :
EXG exposition G pour groupe
EXP exposition personnelle P pour personnelle
Chaque événement est généralement référencé par trois lettres et sept chiffres :
exemple : XXX 0000000 (selon le modèle exposé au 1.)
- Appellations pour la bibliographie :
ART article de presse
CAT catalogue
OUG ouvrages généraux
PRE préface d’exposition (non usité depuis 2020)
TXT texte de JPM (sur son propre travail / sur d’autres)
Chaque ouvrage ou texte est généralement référencé par trois lettres et sept chiffres :
exemple : XXX 0000000 (selon le modèle exposé au 1.)